Après l'adoption définitive par l'Assemblée nationale, mercredi 16 novembre, de la loi prévoyant la création de ce pôle judiciaire spécialisé compétent pour "les crimes contre l'humanité, les crimes et délits de guerre et les actes de torture", les moyens qui lui seront alloués ont été dévoilés.
"La Chancellerie va affecter au TGI de Paris deux juges d'instruction en plus des [deux] magistrats actuellement en poste dans cette juridiction, un magistrat du parquet, deux greffiers et un fonctionnaire de greffe de catégorie C, et six assistants spécialisés détachés du ministère des Affaires étrangères", décrit Bruno Badré, le porte-parole du ministère de la Justice.
"Le principe du pôle, c'est que les magistrats qui le composeront ne se consacreront qu'à cette activité-là", précise-t-il, ajoutant que les moyens budgétaires affectés ne sont pas encore rendus publics.
Quatre juges d'instruction étaient déjà en charge au TGI de Paris, en tandem et depuis plusieurs années, des dossiers impliquant les crimes les plus graves. Dorénavant, ils vont pouvoir s'y consacrer à plein temps. Ainsi en mai dernier, ces juges comptaient encore sur leurs bureaux, en plus des 20 dossiers rwandais, un total de 340 autres dossiers à gérer, qui concernaient 144 personnes en détention.
Début juillet à Paris, les services concernés par la création du pôle spécialisé avaient demandé la création de six postes de magistrats à temps plein, d'autant de greffiers, et de trois ou quatre assistants de justice spécialisés.
Annoncé par l'ancien chef de la diplomatie française Bernard Kouchner le 7 janvier 2010, jour de la visite qu'il rendait à Kigali pour marquer la reprise des relations diplomatiques avec le Rwanda, ce nouveau pôle spécialisé devra s'occuper en priorité de la vingtaine de dossiers rwandais actuellement ouverts devant le tribunal de Paris.
Il regroupera à Paris toutes les affaires instruites en France sur les crimes contre l'humanité (qui comprennent dans la législation française celui de génocide), les crimes de guerre et les actes de torture, et aura des pouvoirs d'investigation équivalant à ceux de l'actuel pôle spécialisé en matière de criminalité organisée et de terrorisme.
En particulier, les juges d'instruction du nouveau pôle vont pouvoir, "dans le cadre d'une commission rogatoire internationale adressée à un État étranger, [...] avec l'accord des autorités compétentes de l'État concerné, procéder à des auditions sur le territoire de cet État", indique la nouvelle loi.
"C'est une excellente nouvelle : on va enfin pouvoir entendre nous-mêmes les témoins sur place au Rwanda", se félicitait lors du premier vote de la loi à l'Assemblée nationale, le 4 juillet dernier, la juge d'instruction Fabienne Pous, qui travaille depuis huit ans sur des dossiers rwandais.
De janvier 2010 à juillet 2011, la juge française a pu effectuer sept déplacements au Rwanda avec des enquêteurs de la section de recherche de la gendarmerie parisienne, dans le cadre notamment de deux dossiers transférés il y a quatre ans à la France par le tribunal d'Arusha - l'abbé Wenceslas Munyeshyaka et l'ancien préfet de Gikongoro (Sud), Laurent Bucyibaruta.
Prévu pour absorber l'ensemble des plaintes déposées en France relevant de crimes graves internationaux, la compétence du pôle va largement dépasser le Rwanda. Il va également hériter du dossier ouvert pour viols contre des militaires français de l'opération Turquoise au Tribunal aux armées de Paris, dont les procédures seront transférées au 1er janvier 2012.
FP/GF
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