Soupçons de corruption d'un député: l'audition d'un lobbyiste en commission parlementaire retirée de l'enquête pénale

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Le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, soupçonné d'avoir corrompu un ancien député français dans une affaire d'ingérence étrangère présumée, a obtenu le retrait de l'enquête pénale de toute référence à son audition en commission d'enquête parlementaire, a appris l'AFP lundi de sources proche du dossier et judiciaire.

Jean-Pierre Duthion est mis en examen à Paris depuis octobre 2023 dans une enquête ouverte par le Parquet national financier (PNF), dont les derniers éléments des investigations, que l'AFP a pu consulter, nourrissent l'hypothèse de commanditaires qataris.

Dans ses déclarations aux magistrats instructeurs, le lobbyiste semble reconnaître un schéma de corruption, instauré avec le politologue spécialiste du Qatar Nabil Ennasri notamment - ce que ce dernier, ainsi que l'ex-député écologiste Hubert Julien-Laferrière, contestent vigoureusement.

Ces déclarations diffèrent de ce que Jean-Pierre Duthion affirmait devant une commission d'enquête relative aux ingérences politiques de l'Assemblée nationale, le 12 avril 2023. "Je n'ai jamais rémunéré de journaliste et je n'ai jamais corrompu qui que ce soit", avait-il notamment affirmé, assurant aussi n'avoir "jamais été rémunéré pour représenter un État étranger".

Le 3 octobre, lors d'une audience à la cour d'appel de Paris, sa défense a soutenu une requête en nullité pour dénoncer un dévoiement des droits de la défense: devant une commission, les personnes interrogées "prêtent serment de dire la vérité, et sans disposer du droit de garder le silence" et tout mensonge devant les parlementaires peut faire l'objet de poursuites pour parjure. Alors que la loi française "consacre le droit de ne pas s'auto-incriminer".

Jeudi, la cour d'appel a ordonné le retrait du dossier de toute référence à cette audition.

Selon la source proche du dossier, la chambre de l'instruction a en effet estimé que les auditions en commissions parlementaires ne répondaient pas aux exigences de la procédure pénale et notamment du droit de ne pas s'auto-incriminer.

"C'est une décision importante sur le plan du droit, car c'est la première fois qu'une juridiction considère que le régime juridique des auditions devant les commissions d'enquête parlementaire ne respecte pas les droits de la défense", s'est félicité l'avocat de Jean-Pierre Duthion, Me Robin Binsard.

"Cet arrêt appelle à réformer en profondeur le fonctionnement de telles commissions", a-t-il encore estimé.

La cour d'appel a par ailleurs réaffirmé qu'il était possible à la commission d'enquête parlementaire d'entendre M. Duthion car à ce moment-là, l'enquête était menée sous la forme préliminaire, un cadre procédural qui ne constitue pas des poursuites.

La cour d'appel a d'ailleurs refusé jeudi de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur cette "superposition" des enquêtes parlementaire et judiciaire.

Plusieurs commissions d'enquête ont récemment eu un rôle important dans des crises politico-médiatiques, par exemple dans les affaires Benalla, McKinsey ou Orpea.

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