L'émission par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu dénonçant une décision motivée par "la haine antisémite".
"Aucune décision anti-israélienne scandaleuse ne nous empêchera - et particulièrement pas moi - de continuer à défendre notre pays de quelque manière que ce soit", a déclaré M. Netanyahu dans un message vidéo adressé dans la soirée à ses concitoyens.
"Nous ne céderons pas à la pression", a-t-il ajouté alors que son pays est accusé à travers le monde de tuer un nombre disproportionné de civils dans sa campagne militaire - menée en représailles à l'attaque sanglante du Hamas sur son sol le 7 octobre 2023 - dans la bande de Gaza, en proie à une catastrophe humanitaire.
M. Netanyahu avait rejeté plus tôt par voie de communiqué "les actions absurdes et accusations mensongères" de la CPI, estimant ses juges "animés par une haine antisémite", et comparant la décision de la Cour "à un procès Dreyfus".
Mais "Dreyfus, lui était innocent", a cinglé Majed Bamya, représentant adjoint de la Palestine à l'ONU, dénonçant sur X un détournement "honteux de l'Histoire pour justifier des crimes".
Condamné pour espionnage et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle, le capitaine français de confession juive, Alfred Dreyfus, avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.
- "Dangereux précédent" -
Pour le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, la CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient".
Sa décision "met l'Etat d'Israël et les dirigeants meurtriers du Hamas sur le même plan" et "crée un dangereux précédent contre le droit à se défendre soi-même et à mener un guerre morale, et elle encourage le terrorisme meurtrier", a renchéri M. Gallant.
Les mandats d'arrêt visent MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024". La CPI en a aussi émis un contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, pour les mêmes chefs, "sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".
"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple".
- "Mal au coeur" -
Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale et allié d'extrême droite du Premier ministre a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.
"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid.
La décision de la CPI "fait mal au coeur", dit à l'AFP, sans vouloir donner son nom, Shhmuel, un retraité de 75 ans à Jérusalem. Si la décision respectait "les règles du droit, j'aurais été d'accord, mais quand ça vient de l'antisémitisme, ce n'est pas bon", ajoute-t-il.
"Tout le monde autour de nous essaie de nous faire tomber, nous tuer, nous mettre à terre par tous les moyens et de nous faire perdre cette guerre", déplore Moshe Cohen, ouvrier de 41 ans, qui "ne pense pas que nous devrions laisser faire".
Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits humains, B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".
"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre" à Gaza, "il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué, appelant "tous les Etats parties" au Traité de Rome ayant institué la CPI, à "exécuter ces mandats".
Pour le parti communiste israélien Hadash, "Netanyahu et Gallant sont responsables de la destruction totale de Gaza et du meurtre de ses habitants en masse [et] doivent en payer le prix."