« Nous espérons que la mise en place du pôle coïncidera avec une politique pénale plus ambitieuse en ce qui concerne la poursuite des crimes internationaux les plus graves », écrivent Redress, la FIDH, Amnesty International, Human Rights Watch et la Ligue des droits de l'homme.
Selon plusieurs sources judiciaires interrogées par l'agence Hirondelle au tribunal de Paris, peu de moyens supplémentaires seront affectés à ce nouveau pôle spécialisé compétent pour les crimes contre l'humanité - qui comprennent le génocide en droit français -, les crimes et délits de guerre et les actes de torture, et dont l'inauguration doit avoir lieu en janvier prochain.
Interrogé le 18 novembre, le porte-parole du ministre de la Justice indiquait que quatre juges seraient affectés à plein temps à ce pôle spécialisé, au lieu des six demandés en juillet dernier par le tribunal de Paris.
Quatre juges d'instruction sont déjà en charge au TGI de Paris, en tandem et depuis plusieurs années, des dossiers impliquant les crimes les plus graves. Ils y travaillent à mi-temps, durant lequel les quatre magistrats se partagent vingt dossiers rwandais. Ils s'occupent en plus, le reste du temps, de près de 350 autres dossiers de droit général, qui concernent près de 150 personnes en détention.
« Le principe du pôle, c'est que les magistrats qui le composeront ne se consacreront qu'à cette activité-là », précisait la Chancellerie. S'il s'agit d'un objectif, force est de constater que la réalité au 1er janvier 2012 sera proche du statu quo.
Un des quatre magistrats actuellement en charge doit aller au pôle économique. Il sera remplacé par une juge au profil internationaliste, qui prendra ses fonctions à plein temps au 1er janvier. Les trois autres magistrats continueront tout en instruisant des affaires de droit général de suivre leurs dossiers rwandais, mais ils ne pourront s'y consacrer qu'à respectivement 50, 30 et 25 %.
C'est ainsi qu'au 1er janvier 2012, seuls deux postes de magistrats en équivalent temps plein seront pourvus - sur les quatre annoncés et les six demandés - dans le nouveau pôle judiciaire spécialisé.
Atteinte par la règle prévoyant un changement d'affectation obligatoire au bout de dix ans, la juge affectée à 50 % devra quitter ses fonctions en septembre 2012, période à laquelle le mercato des magistrats devrait permettre, indique-t-on, de recruter un magistrat à plein temps pour le poste resté non pourvu au pole.
Cependant, l'effectif total de référence de 353 magistrats au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris n'a pas été augmenté, malgré la charge supplémentaire engendrée par la création du pole.
Côté parquet, la nomination demandée d'un second magistrat dédié au pôle n'a pas à ce jour été confirmée.
Les enquêteurs du groupe « crimes contre l'humanité, génocide et crimes de guerre », constitué début 2010 par la section de recherche de la gendarmerie parisienne, devront continuer de fonctionner à quatre, au lieu des dix postes demandés, sans l'analyste criminel requis.
Le recrutement de six assistants spécialisés - des magistrats et juristes ayant l'expérience des tribunaux internationaux et un ethnologue sociologue historien qui seront mis à disposition par le ministère des Affaires étrangères - devrait pour sa part commencer début 2012. Les candidats seront proposés par le Quai d'Orsay, puis sélectionnés au TGI de Paris.
D'ici à début 2012, des locaux seront libérés pour héberger le nouveau pôle spécialisé dans les crimes internationaux, dans ceux de l'actuel pôle financier, rue des Italiens à Paris.
C'est ainsi en partie « faute de moyens suffisants », déplore une source proche des milieux judiciaires, que l'instruction des deux dossiers renvoyés il y a quatre ans par le Tribunal international pour le Rwanda vers la France - Laurent Bucyibaruta et Wanceslas Munyeshyaka - n'a pu aboutir malgré les nombreux voyages réalisés par les enquêteurs et les magistrats depuis début 2010, date à laquelle le réchauffement des relations avec Kigali leur a permis d'enquêter sur le terrain.
FP/ER/GF
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