Le lendemain de cette libération anticipée, la toute première à avoir été accordée par le TPIR, le chef du centre de détention du tribunal à Arusha, en Tanzanie, Saïdou Guindo, avait révélé à l'agence Hirondelle l'existence d'une demande de résidence permanente en Suède déposée par l'ancien responsable économique. « Il attend la réponse, peut-être à la mi-décembre », avait supputé Guindo.
Interrogé mercredi, le porte-parole du tribunal, Roland Amoussouga a indiqué que la requête était «en cours d'examen ».
Bagaragaza, un proche de l'ex-président Juvénal Habyarimana, dont l'attentat avait déclenché le génocide des Tutsis, était passé aux aveux au terme de laborieuses négociations avec le bureau du procureur. Il avait reconnu, entre autres crimes, avoir entreposé dans une usine à thé du nord, des armes utilisées pendant le génocide. Il avait par ailleurs avoué avoir donné de la bière et de l'argent aux miliciens Interahamwe, principaux bras armés du génocide, et mis à leur disposition les véhicules de l'usine, par crainte pour sa sécurité et celle de sa famille.
L'accord entre les deux parties n'a jamais été rendu public, mais certaines sources au TPIR croient savoir que le procureur s'était notamment engagé à l'aider à trouver un pays d'accueil hors du continent africain, après l'exécution de sa peine.
« Témoin privilégié » de l'accusation, cet agronome de formation avait déposé au TPIR notamment contre Protais Zigiranyirazo, beau-frère de l'ex-président Juvénal Habyarimana et frère d'Agathe Kanziga, la veuve de l'ancien chef de l'Etat. « Monsieur Z » a été acquitté en appel en novembre 2009 et réside actuellement, aux frais du TPIR, dans « une maison sécurisée », au siège du tribunal à Arusha, en Tanzanie.
Le beau-frère de l'ancien numéro un partage sa résidence avec trois anciens ministres, deux généraux et un lieutenant-colonel de l'ancienne armée rwandaise. Tel Bagaragaza en Suède, ces anciennes personnalités n'ont pas de statut reconnu en Tanzanie. En plus du « doyen », Zigiranyirazo, les autres acquittés sont les anciens ministres André Ntagerura (Transport), Casimir Bizimungu (Santé), Jérôme Bicamumpaka (Affaires étrangères) et le général Gratien Kabiligi, ancien chef des opérations militaires à l'état-major de l'armée. Les deux autres sont le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva condamné en appel le 21 décembre à 15 ans de prison, soit plus que le temps qu'il venait de passer derrière les barreaux. Le cas du général Augustin Ndindiliyimana est un peu différent. Egalement condamné à une période équivalente à la durée de sa détention préventive, l'ancien patron de la gendarmerie nationale doit en effet être confronté au procureur qui a fait appel.
En présentant son rapport le 7 décembre au Conseil de sécurité, la présidente du TPIR Khalida Rachid Khan a appelé les Etats à accueillir sur leur territoire les acquittés et les condamnés ayant terminé leur peine. Cet organe des Nations unies s'est fait l'écho de cet appel dans une résolution votée 14 jours plus tard. Mais ces bonnes intentions n'ont pas suscité d'emballement à Arusha. «La Suède ne décidera certainement pas d'expulser Bagaragaza qu'elle avait bien accepté d'héberger dans une de ses prisons, pas plus que la Tanzanie ne peut refouler les autres. Mais la relocalisation des sept d'Arusha ou l'octroi d'un meilleur statut à Bagaragaza en Suède restent très difficiles », a estimé une source au greffe du tribunal.
« Les pays occidentaux verrouillent de plus en plus leurs portes, même pour les immigrés "normaux". Je le dis parce que, malheureusement, dans certains esprits, même les acquittés restent génocidaires. Sans oublier le souci, chez certains Etats, de ne pas effaroucher le régime de Kigali », a ajouté la source sous couvert de l'anonyme ».
ER/GF
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