Collecter les dernières données tant que c'est possible, immortaliser des récits avec des hologrammes: le mémorial de Yad Vashem se prépare à préserver et diffuser la mémoire de la Shoah quand les derniers survivants auront disparu, explique son président.
Rien ne peut vraiment remplacer la "voix authentique" de ces témoins directs, dit Dani Dayan à l'AFP avant la Journée internationale à la mémoire des victimes de l'Holocauste, le 27 janvier. Cette date marque l'anniversaire de la libération par l'Armée rouge, il y a 80 ans, du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, devenu le symbole du génocide par les nazis de six millions de Juifs européens.
Mais les survivants vieillissent et leur nombre diminue: "Nous sommes à la croisée des générations", poursuit M. Dayan. "Ecouter un survivant de la Shoah raconter son histoire ne sera plus possible dans quelques années."
Selon une étude réalisée l'année dernière par la Conference on Jewish Material Claims Against Germany, une organisation représentant les rescapés, quelque 245.000 étaient alors encore en vie, âgés en moyenne de 86 ans, certains ayant dépassé les 100 ans.
Ces rescapés "ont constitué une sorte de pont", développe M. Dayan: "D'un côté, nous les regardons dans les yeux, nous écoutons leurs voix; de l'autre, il y a Auschwitz", où un million de Juifs et plus de 100.000 autres victimes du régime nazi ont été assassinés. "Cela n'existera plus."
- "Innover" -
"Nous allons devoir trouver de nouveaux moyens" pour "continuer à éduquer et à diffuser" cette mémoire. "Nous devrons être innovants mais sans porter atteinte à l'authenticité", dit cet ancien consul général d'Israël à New York.
Le mémorial possède actuellement plus de 227 millions de "pages de documentation", 2,8 millions de "feuilles de témoignages" qui rétablissent les identités et biographies de Juifs assassinés, 541.500 photographies, des milliers d'objets et d'oeuvres d'art, soit les plus vastes archives au monde sur l'Holocauste.
Situé à la périphérie ouest de Jérusalem, l'institut envisage de créer des hologrammes de survivants racontant leur histoire, qui leur permettront d'apparaître après leur mort sous cette forme, explique son président. Un procédé également utilisé en Amérique du Nord où des rescapés témoignent en 3D de leur déportation et répondent aux questions devant des assemblées.
Il est également envisagé d'ouvrir des "centres satellites" en Israël et dans le monde. Ces derniers mois, un théâtre a été inauguré pour transmettre d'une manière nouvelle, ainsi qu'une aile consacrée à la conservation d'objets offerts par les survivants et leurs familles.
Comme ce minuscule livre de prières juives acheté en 1944 qu'un conservateur nettoyait et réparait avec délicatesse lors d'une récente visite d'une journaliste de l'AFP. Il contenait une note manuscrite suggérant qu'il avait pu être préservé au travers des atrocités à Auschwitz.
De tels objets, ainsi que des données et des témoignages de survivants "encore en vie, lucides et suffisamment âgés à l'époque pour se souvenir (aujourd'hui) de ce qui leur est arrivé", sont encore collectés dans le monde entier, explique M. Dayan.
Une quête urgente et indispensable alors que peu à peu les derniers s'éteignent.
D'autant que la nécessité de "diffuser" l'histoire de la Shoah reste plus importante que jamais dans un contexte de forte résurgence de l'antisémitisme dans le monde, dit-il, en particulier depuis l'attaque sans précédent sur le sol israélien du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre 2023 et la guerre qui s'en est ensuivi.