La Colombie a réactivé les mandats d'arrêt contre les principaux chefs de la guérilla de l'ELN mercredi après une flambée de violence qui contrecarre les velléités de "paix totale" du gouvernement de gauche, dans un pays marqué par six décennies de conflit armé.
En moins d'une semaine, les affrontements entre groupes armés pour le contrôle de territoires, de lucratives plantations de coca et de routes du trafic de drogue ont fait plus de 100 morts dans trois régions de Colombie, dont plus de 80 morts et quelque 32.000 déplacés dans la seule zone montagneuse du Catatumbo (nord-est), frontalière du Venezuela.
Là, la guérilla d'extrême-gauche de l'ELN (Armée de libération nationale) a lancé jeudi une attaque sanglante contre des dissidents rivaux de la défunte guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC)- qui ont refusé l'accord de paix de 2016 et repris les armes - mais aussi contre la population civile.
Des affrontements mortels ont également eu lieu ces derniers jours dans le sud du pays, entre des factions opposées des dissidents des FARC, et dans le nord, entre l'ELN et le cartel de narcotrafiquants du Clan del Golfo.
Mais c'est la situation dans le nord-est du pays qui a poussé le gouvernement colombien à déclarer lundi l'état d'urgence et à mobiliser 5.000 soldats dans la région.
- 31 chefs de la guérilla -
Le parquet général de Colombie a annoncé mercredi révoquer la suspension des mandats d'arrêt dont bénéficiaient 31 dirigeants de l'ELN désignés comme porte-paroles dans les négociations de paix avec le gouvernement, mettant en avant "la commission de nouveaux délits".
Les mandats contre 18 dirigeants, dont le principal négociateur de paix Pablo Beltran, avaient été mis en suspens en août 2022. Un deuxième groupe de chefs de cette guérilla, parmi lesquels Antonio Garcia, avait bénéficié de la même mesure en 2023.
La plupart des membres des FARC ont déposé les armes à partir de 2016. Mais des factions dissidentes ont continué à prospérer dans certaines parties du pays, se livrant au crime organisé et au trafic de drogue.
A son arrivée au pouvoir en 2022, Gustavo Petro s'était engagé à sortir par le dialogue du conflit armé vieux de six décennies dans le pays. Il négociait depuis avec plusieurs organisations armées du pays, dont l'ELN, sans parvenir jusqu'ici à des accords concrets avec les guérillas, les narcotrafiquants, ni les groupes paramilitaires d'extrême droite.
-"Echec"-
"La situation du Catatumbo est instructive. On apprend aussi de ses échecs et il y a un échec ici. Un échec de la nation", a reconnu mardi M. Petro, qui accuse l'ELN, dont les effectifs sont estimés à environ 6.000 combattants, de "crimes de guerre".
Les forces spéciales colombiennes se sont déployées ostensiblement mardi dans la ville de Tibu, toute proche de la frontière vénézuélienne. Une démonstration de force visiblement destinée à convaincre les habitants que l'Etat a repris le contrôle de la situation.
Mardi, les hameaux des alentours de Tibu semblaient complètement vides. Avec des messages comme "ELN présent" ou "la libération ou la mort", les guérillas affirment leur présence à travers des graffitis et des affiches placardées sur les modestes habitations de bois et de tôle.
Pour de nombreux Colombiens, les récents affrontements, les pires dans le pays depuis des années, rappellent la guerre civile qui a fait environ 450.000 morts en plus d'un demi-siècle.
Une trentaine de personnes ont été enlevées et un millier d'autres se terrent chez elles, incapables de sortir à cause des violences, selon les Nations unies.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné "les meurtres de civils, y compris d'anciens combattants qui avaient signé l'accord de paix de 2016, de défenseurs des droits humains et de leaders sociaux", selon son porte-parole Stéphane Dujarric.