Vingt-cinq familles de victimes de crimes commis sous l'apartheid en Afrique du Sud ainsi que des militants y ayant survécu poursuivent le gouvernement sud-africain qu'ils accusent "de manquement flagrant" à enquêter sur ces faits, ont-ils annoncé jeudi dans un communiqué.
La plainte, déposée lundi devant un tribunal de Pretoria, vise l'actuel président Cyril Ramaphosa, les ministres de la Justice et de la Police, les chefs du parquet ainsi que de la police nationale, selon la copie envoyée aux médias.
Ces proches de victime, parmi lesquels le fils de Fort Calata, l'une des quatre personnes assassinées en 1985 dans ce qui est connu comme les "meurtres de Cradock", demandent "des dommages-intérêts constitutionnels pour le manquement flagrant du gouvernement à enquêter de manière adéquate sur les crimes politiques commis à l'époque de l'apartheid et à les poursuivre après la procédure de la Commission de vérité et de réconciliation (TRC)".
Ils exigent aussi une "commission d'enquête indépendante et publique sur l'ingérence politique qui a entraîné l'enfouissement de plusieurs centaines de crimes graves".
Après l'élection de l'ex-ennemi public Nelson Mandela en 1994, la commission Vérité et réconciliation, menée par Desmond Tutu, avait permis d'apaiser le pays, en offrant l'amnistie à ceux qui avoueraient leurs crimes.
Quelques 850 de ces amnisties ont été accordées. Mais la commission a aussi recommandé des poursuites dans plus de 300 affaires, qui n'ont pour la plupart jamais abouti.
"Les gouvernements successifs, à commencer par celui dirigé par l'ancien président Thabo Mbeki (successeur de Nelson Mandela, NDLR), n'ont pas mis en oeuvre les recommandations du Comité d'amnistie", accuse dans un communiqué Lukhanyo Calata, fils de Fort Calata dont le corps avait été retrouvé brûlé et lardé de coups de couteau.
Une entente secrète entre les nouveaux hommes forts de l'ANC et des membres de l'ex-gouvernement de la minorité blanche a longtemps été soupçonnée.
Jusqu'à ce qu'un communiqué de la fondation de Frederik de Klerk, dernier président avant les élections libres de 1994, ne le confirme formellement en juillet 2021 quelques mois avant sa mort: "En raison d'un accord informel entre la direction de l'ANC et les anciens agents gouvernementaux d'avant 1994, le parquet national a suspendu ses poursuites pour les crimes de l'ère de l'apartheid."
Parmi les familles de requérants figurent celle de Nokuthula Simelane, soeur de l'ex-ministre de la Justice, désormais en charge de l'Habitat humain.
Elle n'a plus donné signe de vie après avoir été enlevée et torturée par les services de sécurité en 1983. Le procès, une première fois ouvert en 2016, connaît depuis des reports en cascade, symboles de la mission inachevée de la TRC.