Une nouvelle trêve humanitaire, la troisième depuis le début de la guerre au Yémen il y a quatre mois, a volé en éclats avec la reprise mardi des raids aériens de la coalition arabe et des combats dans le sud du pays.
Le Conseil de sécurité de l'ONU tenait dans la soirée des consultations sur le Yémen, alors que les efforts de l'organisation internationale pour une solution négociée du conflit n'ont toujours pas porté leurs fruits.
Le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Stephen O'Brien, a appelé devant le Conseil à "redoubler d'efforts" pour rétablir la trêve, "afin de secourir tous ceux qui en ont besoin".
M. O'Brien a annoncé qu'il se rendrait sur place "dans les prochaines semaines pour recenser les besoins de la population yéménite".
L'ambassadeur yéménite Khaled Hussein Alyemany a ensuite évoqué la date du 9 août pour cette visite.
La trêve de cinq jours a été décrétée unilatéralement par la coalition menée par l'Arabie saoudite qui bombarde depuis fin mars les rebelles chiites Houthis pro-iraniens qui se sont emparés depuis juillet 2014 de vastes régions du pays frontalier du royaume saoudien.
Elle a déjà été fragilisée dès son entrée en vigueur lundi par des combats entre partisans du président en exil Abd Rabbo Mansour Hadi et rebelles chiites ainsi que des raids aériens de la coalition qui ont tué "par erreur" 12 loyalistes.
Entrée en guerre pour empêcher les insurgés de prendre le contrôle total du Yémen, la coalition avait averti qu'elle riposterait à tout mouvement des Houthis soutenus par l'Iran chiite.
En 24 heures, 22 insurgés, deux civils et quatre loyalistes ont péri dans des combats au nord d'Aden, la capitale du Sud reprise par les pro-Hadi, selon un responsable de la santé, Al-Khadr Lassouer.
Les positions des rebelles qui ont été repoussés au nord de cette deuxième ville du pays ont été mardi la cible de raids de la coalition.
Trois frappes ont visé un convoi rebelle à Sabr, à 20 km au nord d'Aden, où les progouvernementaux ont repris le contrôle d'un axe routier reliant Aden aux provinces de Lahj et d'Abyane, selon des sources militaires.
La coalition a également bombardé la base aérienne d'Al-Anad aux mains des rebelles dans la province de Lahj, voisine d'Aden, ont-elles ajouté.
"Il n'y a pas de trêve", a déclaré à l'AFP le gouverneur d'Aden, Nayef al-Bekri. Les pro-Hadi cherchent "à sécuriser Aden en nettoyant les zones autour de la ville et celles proches de Lahj et Abyane".
Dans la nuit de lundi à mardi, les forces gouvernementales ont réussi à reconquérir le siège de la sous-préfecture à Dar Saad, dernier quartier d'Aden dont les rebelles se servaient pour bombarder des zones résidentielles, selon un responsable local.
- 'Le prix fort' -
La pause était supposée permettre de secourir les millions de civils qui "paient le prix fort" dans ce conflit, a dénoncé dans un communiqué le coordinateur humanitaire de l'ONU pour le Yémen, Johannes Van Der Klauw, au terme d'une visite à Aden.
Alors que la situation humanitaire "continue de se dégrader rapidement", Stephen O'Brien a aussi déploré que l'appel de fonds de l'ONU, d'un montant de 1,6 milliard de dollars, ne soit pour l'instant financé qu'à hauteur de 15%, soit 241 millions de dollars.
"Nous avons besoin d'urgence de ressources supplémentaires", a-t-il plaidé mardi devant le Conseil de sécurité.
Au moins 1.895 civils figurent parmi 3.984 personnes tuées en quatre mois de conflit, selon les estimations de l'ONU. Environ 80% de la population - soit 21 millions de personnes - ont besoin d'aide ou de protection, et plus de 10 millions ont du mal à se nourrir ou à trouver de l'eau.
- Ryad 'joue avec le feu' -
Une précédente trêve de cinq jours mi-mai n'avait pas empêché la reprise des combats, et une pause initiée par l'ONU à partir du 10 juillet ne s'était jamais matérialisée.
Les Houthis, issus de la minorité zaïdite (branche du chiisme), et soutenus par des unités de l'armée restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, avaient lancé leur offensive en juillet 2014 s'emparant de larges pans de territoire dont la capitale.
Ils avaient ensuite pris pied à Aden, poussant M. Hadi à fuir en Arabie saoudite en mars, avant d'en être délogés la semaine dernière.
En Iran, rival régional du royaume saoudien sunnite, le vice-ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian a accusé l'Arabie saoudite d'avoir "joué avec le feu" en intervenant au Yémen et "de jouer aujourd'hui avec le cessez-le-feu".
Enfin, les défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé des bavures militaires. Human Rights Watch a estimé qu'un raid de la coalition ayant tué 65 civils vendredi à Mokha (sud-ouest) s'apparentait à un "crime de guerre".