Une commission de l'ONU a indiqué avoir documenté la destruction systématique des biens des populations déplacées durant la guerre civile en Syrie, avertissant d'un risque de changement démographique, selon un rapport publié jeudi, près de deux mois après la chute de Bachar al-Assad.
La Commission internationale indépendante d'enquête sur la Syrie (CoI) a recensé "des pillages d'une ampleur telle que des maisons entières (...) ont été démantelées et détruites, de manière systématique à travers des secteurs entiers", indique un résumé du rapport.
S'appuyant sur des images satellites, des vidéos et photographies authentifiées ainsi que des témoignages, la commission a conclu son rapport le 6 décembre, deux jours avant la chute de l'ancien président syrien.
Les zones les plus touchées sont celles qui ont "changé de mains au cours du conflit", où les pillages "ont été fréquemment accompagnés d'autres violations graves des droits humains", ajoute le document, mettant en cause aussi bien les forces gouvernementales que les groupes armés non étatiques.
"La composition démographique de nombreux villages, villes et régions entières a été modifiée, peut-être de manière permanente, à moins que les réfugiés et les déplacés puissent rentrer en toute sécurité et dans la dignité dans leurs foyers restaurés", prévient la commission.
La guerre, déclenchée en 2011 par la répression des manifestations anti-gouvernementales, a fait plus de 500.000 morts et déplacé plusieurs millions de personnes.
- "Impunité" -
Des organisations de défense des droits humains ont également signalé pillages et confiscations de biens dans les territoires dominés par les anciennes autorités mais aussi dans ceux échappant à leur contrôle.
Dans les zones de déplacement massif, les forces en présence ont non seulement volé des biens dans les maisons, mais aussi "démonté les toitures, portes, fenêtres, armatures en fer,câblages électriques et installations sanitaires, rendant ainsi des quartiers entiers inhabitables", précise le rapport.
Le document souligne que ces "pillages systématiques à grande échelle ont été principalement menés dans les zones sous contrôle des forces gouvernementales, et pas ces mêmes forces". Ils étaient "coordonnés par des membres de l'ex-armée syrienne (...) et des services de sécurité et milices affiliées", ajoute-t-il.
Ces forces collaboraient avec des marchands, et les biens volés étaient parfois revendus sur des marchés dédiés.
Dans les territoires sous contrôle des groupes armés d'opposition, le pillage était plus "opportuniste", bien que "parfois marqué par une dimension confessionnelle", selon l'enquête.
Des ces zones, les "biens transportables" étaient pillés, et les logements souvent saisis ou occupés pour héberger combattants et civils déplacés.
La commission met en garde contre les pillages dans les zones conquises par les forces rebelles ayant renversé Bachar al-Assad le 8 décembre, appelant à "empêcher et punir les pillages".
"L'impunité pour le crime de guerre qu'est le pillage a été quasi totale en Syrie", déplore le rapport.
Un manque de mesures pour enrayer ces violations risque d'"alimenter de nouvelles rancoeurs" et d'"entraîner de nouveaux cycles de violence et de déplacements", prévient-il.