L'ONU a indiqué mercredi avoir "des motifs raisonnables" de croire que le régime bangladais déchu a été responsable de crimes contre l'humanité lors de la répression du mouvement de protestation de l'été 2024, au cours duquel jusqu'à 1.400 personnes auraient été tuées.
L'ex-Première ministre Sheikh Hasina, qui dirigeait le Bangladesh d'une main de fer depuis 2009, a fui son palais et trouvé refuge en Inde le 5 août dernier, après plusieurs semaines d'émeutes réprimées dans le sang.
"Il existe des motifs raisonnables de croire que des fonctionnaires de l'ancien gouvernement, les services de sécurité et de renseignement, ainsi que des éléments violents associés à l'ancien parti au pouvoir (Ligue Awami) ont commis des violations graves et systématiques des droits humains", a déclaré le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, présentant un rapport d'enquête à la presse.
"Il existe des motifs raisonnables de croire que certains crimes contre l'humanité ont été commis à l'encontre des manifestants et de leurs partisans", a-t-il ajouté.
Il s'agit notamment des crimes contre l'humanité "de meurtre, torture, emprisonnement et autres actes inhumains", détaille l'ONU dans un communiqué, qui explique que le rapport s'appuie sur les "témoignages de hauts responsables et d'autres preuves".
Inculpée par la justice bangladaise de crimes contre l'humanité, Mme Hasina fait l'objet de plusieurs mandats d'arrêt internationaux.
Selon M. Türk, "les niveaux les plus élevés de l'ancien gouvernement étaient au courant et ont été impliqués" dans de "très graves violations". Il demande toutefois "une enquête urgente approfondie".
- 1.400 personnes tuées -
Citant "diverses sources crédibles", le rapport estime que "jusqu'à 1.400 personnes pourraient avoir été tuées entre le 1er juillet et le 15 août". La grande majorité des personnes tuées ont été abattues par les forces de sécurité, et 12 à 13% étaient des enfants.
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) précise que la police a fait état de 44 agents tués.
L'ONU a aussi "documenté de graves actes de vengeance commis immédiatement après les manifestations" visant "des partisans de l'ancien parti au pouvoir, des policiers et, dans certains cas, des personnes appartenant à des minorités et groupes religieux", a relevé M. Türk.
La mobilisation contre le pouvoir a débuté en juillet 2024 après une décision de justice autorisant le retour de quotas d'emplois publics, une mesure vue comme une possibilité pour Mme Hasina de confier des postes gouvernementaux à des personnes à sa solde.
Un gouvernement provisoire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a pris les rênes du pays jusqu'à des élections générales, annoncées pour la fin de l'année ou le début de 2026.
Le HCDH a enquêté à la demande de M. Yunus qui s'est félicité du rapport, déclarant qu'il voulait faire du Bangladesh "un pays où tous les citoyens peuvent vivre dans la sécurité et la dignité".
- Peine de mort -
"La responsabilisation et la justice sont essentielles à la guérison nationale et à l'avenir du Bangladesh" pour s'assurer que les graves violations des droits humains "ne puissent plus jamais se reproduire", selon Volker Türk.
Une coopération de l'ONU avec la justice bangladaise est possible mais à la condition notamment que les victimes et témoins y consentent et qu'ils soient protégés, a indiqué Rory Mungoven, chef de la région Asie-Pacifique du HCDH, aux journalistes.
Par ailleurs, "le processus doit être crédible" et "équitable", a-t-il dit, ajoutant que le fait que le Bangladesh n'ait pas aboli la peine de mort est "un problème".
M. Türk a relevé que le Bangladesh pourrait aussi saisir la Cour pénale internationale (CPI).
A Dacca, Odhikar, une des principales organisations de défense des droits humains du pays, a annoncé mercredi que 12 personnes étaient décédées entre le 9 août et le 31 décembre 2024, notamment à la suite de tortures ou de blessures par balle, alors que les forces de sécurité continuaient à se livrer à de graves violations des droits humains.
"Il est important que chaque incident survenu (...) fasse l'objet d'une enquête", a réagi M. Türk.