12.03.12 - CPI/LUBANGA - PREMIER VERDICT DE LA CPI MERCREDI DANS L'AFFAIRE LUBANGA

La Haye, 12 mars 2012 (FH) - Le premier jugement de l'histoire de la Cour pénale internationale (CPI) sera rendu le 14 mars dans l'affaire Thomas Lubanga, ex-chef de milice de l'Ituri, région minière de l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Il est accusé de crimes de crimes de guerre pour avoir enrôlé dans ses troupes des enfants de moins de 15 ans, et les avoir fait combattre entre 2002 et 2003.

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Ancien président de l'Union des patriotes congolais (UPC) et de sa branche armée, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), Thomas Lubanga est « un homme à deux visages », selon l'accusation : politicien tranquille le jour, milicien fiché au rang des responsables d'une guerre ethnique violente la nuit.

Alternant boubous de couleurs et costumes élégants dans le box des accusés, Thomas Lubanga se voit pour sa part comme « un homme venu à la politique dans un climat de chaos total », un homme « sans soutiens », avait asséné lors du procès l'un de ses avocats, qui paie pour « ces généraux ougandais qui se sont remplis les poches » en pillant l'or, le diamant et le coltan d'Ituri. Depuis 1997, le Rwanda et l'Ouganda, frontaliers, ont mené une guerre féroce en RDC pour s'emparer des richesses régionales par l'intermédiaire de leurs supplétifs, dont l'UPC de Thomas Lubanga.   

Le procès de Thomas Lubanga est souvent surnommé « affaire des enfants soldats ». Il ne répond en effet devant la CPI que des seuls crimes d'enrôlement et de conscription d'enfants dans ses troupes. Si Human Rights Watch estime que Lubanga s'est rendu coupable de massacres, et n'est donc pas un « petit poisson », l'organisation remarque que les politiciens et haut gradés militaires d'Ouganda, du Rwanda et de RDC qui ont créé, armé et dirigé les milices d'Ituri devraient également faire l'objet d'enquêtes.

Au cours de l'affaire, les représentants des victimes avaient demandé l'élargissement des charges pour esclavage sexuel et traitement inhumains, notamment à l'égard des filles enrôlées dans les troupes de M. Lubanga. La chambre avait accepté mais le procureur avait fait appel et gagné la partie. Il semble que l'accusation ne souhaitait pas que la chambre fasse jurisprudence en laissant aux victimes la possibilité de réorienter une affaire.

Premier procès devant la Cour pénale internationale, l'affaire Lubanga a été rythmée par de nombreux coups de théâtre. En juin 2008, l'ouverture du procès était reportée suite au refus des Nations unies de divulguer aux juges et aux avocats des documents remis au procureur sous le sceau du secret. Les juges avaient ordonné la suspension des procédures. L'Onu avait finalement cédé.

A l'ouverture du procès, le 26 janvier 2009, second coup de théâtre : le premier témoin de l'accusation se rétracte, affirmant avoir menti aux enquêteurs. Après l'audition des 25 témoins du procureur, pour l'essentiel, à huis clos, la défense dénonce, pièces à l'appui, l'existence de faux témoignages. Les avocats de l'accusé, maîtres Catherine Mabille et Biju-Duval, estiment que le dossier du procureur est « gangrené » par « une entreprise de manipulation des témoins » dont « le procureur avait connaissance.»

En juillet 2010, nouveau rebondissement : la chambre, présidée par le britannique Adrian Fulford, ordonne la libération de l'accusé suite au refus du procureur de se conformer à ses ordonnances. Ce dernier s'opposait à la divulgation de l'identité de l'un de ses 13 « intermédiaires ». Recrutés en Ituri, ces intermédiaires fournissaient des témoins aux enquêteurs de l'accusation, qui, selon la défense, étaient manipulés. La chambre d'appel avait sauvé in extremis le procureur.

Après l'audition de vingt témoins de la défense, de trois victimes représentées par des avocats dans le procès et de deux experts appelés par les juges, les conclusions finales étaient prononcées fin août 2011.

Après trois ans de procès, il est difficile d'apprécier la solidité du dossier de l'accusation, car de nombreux huis clos ont rythmé l'affaire. Si Thomas Lubanga est reconnu coupable, une nouvelle audience sera organisée pour le prononcé de la sentence.

Incarcéré à Kinshasa en mars 2005, puis transféré à la prison de la Cour pénale internationale le 17 mars 2006, dans un avion affrété par l'armée française, Thomas Lubanga est depuis sept ans en détention préventive. « La prison, ce n'est pas le bonheur », avait-il lancé aux juges au cours de son procès.

SM/ER/GF  

© Agence Hirondelle