Devant les quinze magistrats, la Belgique a soutenu que « le Sénégal a violé et viole toujours la Convention sur la torture » et a demandé à la Cour d’ordonner à Dakar de juger Hissène Habré ou de l’extrader vers la Belgique où l’ancien président du Tchad fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré en 2005 pour crimes contre l’humanité et torture. Pour les avocats du Sénégal, Dakar n’a pas violé ses obligations et si Hissène Habré n’a pas été jugé depuis douze ans, c’est en raison des divers rebondissements survenus dans ce long feuilleton politico-judiciaire. Le dernier en date remonte à novembre 2010. Quelques jours après une table ronde, au cours de laquelle l’Union africaine, l’Union européenne et plusieurs Etats, dont la Belgique, avaient promis une enveloppe de 8,6 millions d’euros au Sénégal pour lui permettre d’organiser le procès, une décision de la Cour de Justice de la CEDEAO a entraîné une nouvelle fois la suspension du processus. Saisie par les avocats d’Hissène Habré, cette Cour régionale enjoignait le Sénégal, en novembre 2010, « de réfléchir sur les modalités de mise en place, sous l’égide de l’Union africaine, d’une juridiction ad hoc à caractère international pour juger Hissène Habré »,ont rappelé les avocats du Sénégal. Dakar « ne peut que respecter cette décision de son organe communautaire », a estimé le procureur sénégalais Ibrahim Bakhoum, rappelant que son pays avait entrepris une série de consultations sur ce point avec l’Union africaine (UA). S’appuyant sur une décision de l’UA, datant de 2006, le procureur François Diouf a rappelé que celle-ci a donné mandat au Sénégal de juger Habré, « mais il doit le juger pour l’Afrique, en terre d’Afrique. » Pour lui, « le Sénégal, l’Union africaine et l’Afrique attendent de la Cour l’occasion de montrer encore une fois au monde qu’un continent entier a pris son destin en main ». Au terme des audiences, Reed Brody, qui milite depuis plus de dix ans au sein de Human Rights Watch pour que justice soit rendue aux victimes, a estimé que « le Sénégal n’a pas pu montrer au tribunal pourquoi en 21 ans (depuis 1990, date à laquelle Hissène Habré a été chassé du pouvoir) il n’est pas parvenu à conduire Habré devant la justice. La CIJ est le dernier espoir des victimes de voir Habré poursuivi ou extradé vers la Belgique pour y subir son procès », a-t-il ajouté. La Belgique avait déposé une requête devant la Cour internationale de Justice le 19 février 2009. SM/ER