Vingt-deux témoins à charge ont été entendus jusqu’ici, en relation avec les accusations de génocide et des crimes contre l’humanité. Le procureur entend faire comparaître de nouveaux témoins, à l’appui des charges supplémentaires de violences sexuelles retenues contre l’accusé.
Selon les témoins entendus par le TPIR au début du procès, les massacres auraient commencé à Taba autour du 18 avril 1994, soit douze jours après l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, après que l’accusé eut convoqué une réunion de la population. Au cours de cette réunion, Akayesu, alors bourgmestre, aurait donné l’ ordre à la population d’épauler les miliciens Interahamwe pour pourchasser les Tutsis.
Une caissière a affirmé devant la Cour qu’elle a entendu l’accusé ordonner aux miliciens d’aller « travailler sur les collines », ce qui signifiait, selon elle, d’aller tuer les Tutsis. La population avait été choquée d’entendre ces mots dans la bouche de l’accusé. Toujours selon les témoignages recueillis par la Cour, Akayesu avait jusque là protégé sa commune contre l’invasion des miliciens. « Nous avons été surpris de voir Akayesu, qui avait combattu les Interahamwe. demander à la population de leur prêter main forte » a déclaré une survivante du génocide.
Le changement d’attitude d’Akayesu, qui présidait dans sa commune la branche modérée du Mouvement Démocratique Républicain (MDR, le principal parti d’opposition à l’époque), est survenu après une réunion tenue à Gitarama le 18 avril. Convoqués par le premier ministre du gouvernement intérimaire, Jean Kambanda, tous les bourgmestres de la préfecture de Gitarama avaient pris part à cette réunion, aux côtés de plusieurs membres du gouvernement.
Pour le procureur, Jean-Paul Akayesu doit être reconnu non seulement responsable de ses actes, mais aussi de ceux de ses subordonnés. L’acte d’accusation souligne que l’accusé, en sa qualité de bourgmestre , « a dû nécessairement avoir connaissance des massacres perpétrés » dans sa commune . En omettant d’empêcher ces actes, il en a encouragé les auteurs, ajoute le même document
Le tribunal avait également entendu, au cours de huit audiences, le témoignage à titre d’expert d’Alison DesForges, historienne et activiste des droits de l’homme. Se fondant sur ses recherches historiques, le professeur américain avait affirmé qu’au Rwanda, le bourgmestre « avait le droit de vie ou de mort » sur les habitants de sa commune.
Selon l’organisation non gouvernementale anglaise African Rights, qui a recueilli et publié des témoignages au sujet du génocide rwandais, Akayesu aurait été ‘’un homme investi d’un pouvoir absolu, pouvoir qu’il a complètement exercé sans pitié pour exterminer les Tutsis dans [la commune de] Taba ».
Après l’audition des nouveaux témoins à charge, le procès devrait se poursuivre avec l’audition des témoins à décharge. En mai dernier, le procureur avait reproché aux deux avocats d’Akayesu, Me Nicolas Tiangaye et Patrice Monté, de passer des semaines à voyager en Europe au lieu d’aller sur terrain au Rwanda pour préparer la défense. Me Patrice Monté avait répliqué que ‘’les Rwandais éprouvent une véritable crainte de venir témoigner’’ en faveur d’un accusé de génocide, ajoutant que les avocat de la défense sont ‘’personna non grata’’ à Kigali.
DJJC/PHD/FH (AK_1022)