Le TPIR se réserve le droit d’annuler le transfert, décidé en première instance en juin 2011 et confirmé 6 mois plus tard, s’il estime qu’il y a violation des droits de la défense.
C’est sur ce « mécanisme de surveillance robuste » que le président de la chambre d’appel, le juge Theodor Meron, a basé son rejet, jeudi, de l’ultime recours de l’homme d’église contre son retour dans son pays. Son avocat, Maître Silas Singayigaya, avait invoqué ce qu’il avait considéré comme des violations des droits de la défense dans le procès, à Kigali, de l’opposante Victoire Ingabire poursuivi notamment pour complicité de terrorisme et négation du génocide des Tutsi de 1994. Le juge a appelé le défenseur à ne pas confondre les choses. « Contrairement aux autres procès au Rwanda, le procès d’Uwinkindi fera l’objet d’une surveillance sous la supervision du tribunal (TPIR) et de mesures de protection et de garanties additionnelles sous l’empire des lois rwandaises concernant les affaires transférées du tribunal », écrit, dans son arrêt, le magistrat américain.
Le Greffe du TPIR a commencé à discuter avec la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) dès 2011 afin que le travail de surveillance soit confié à cette institution basée en Gambie. Mais en février 2012, l’ancienne présidente du TPIR Khalida Rashid Khan avait du suspendre le transfert d’Uwinkindi après avoir constaté que les discussions avec la CADHP n’aboutissaient pas. La juge avait alors demandé au greffier de chercher d’autres options.
Finalement, le 5 avril 2012, le nouveau président du tribunal, le juge Vagn Joensen, a décidé qu’Uwinkindi serait transféré au Rwanda dans un délai de 14 jours à compter de la décision, enjoignant au greffe de reprendre les discussions avec la CADPH. En attendant qu’une solution soit trouvée, avec le TPIR ou toute autre organisation, le juge demandait également au Greffe de désigner deux membres du personnel du TPIR pour assurer, à Kigali, une mission intérimaire de monitoring.
Mécanisme de surveillance
Les juges du TPIR déclinent en huit points la mission assignée à la future organisation de surveillance. Au premier point, il est demandé à la commission de « surveiller à plein temps et faire rapport au président (du TPIR), à travers le greffier, des progrès de l’affaire transférée, et du respect des standards internationaux d’un procès équitable, en mettant un accent particulier sur la disponibilité et la protection des témoins avant, pendant et après la procédure ».Un peu plus loin, dans ce texte en anglais, les juges « demandent au Rwanda de faciliter à la CADHP l’accès aux audiences, documents, archives, personnes et lieux, y compris le centre de détention où l’accuse sera hébergé ». Par ailleurs, l’accusé a le droit « d’attirer l’attention du président (du TPIR) sur tout acte perçu comme une violation des conditions du transfert (…) et demander des ordonnances conséquentes y compris l’annulation du renvoi ».
Si la jurisprudence Uwinkindi fait tache d’huile, un accusé d’un plus grand calibre devrait être ramené dans les prochains jours au pays des mille collines : Bernard Munyagishari, ancien chef des Interahamwe dans la préfecture de Gisenyi (nord).
ER/GF
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