« Refuser au peuple libyen cette opportunité historique d’éradiquer la longue culture de l’impunité serait manifestement en contradiction avec l’objet et le but du Statut de Rome, qui accorde la primauté aux systèmes judiciaire nationaux », écrivent les avocats de la Libye.
En vertu du principe de complémentarité, la Cour n’intervient en effet que si les Etats n’ont pas les moyens logistiques ou la volonté politique de conduire sur leur sol des procès équitables devant des juges impartiaux. Le fils du défunt Guide libyen et l’ancien chef des renseignements militaires font l’objet de mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité émis par la Cour en juin 2011. Dès lors, la Libye doit prouver que l’affaire lui revient.
La Libye affirme qu’elle conduit actuellement des enquêtes contre les deux hommes, sur les mêmes faits que ceux allégués par la Cour. Depuis le 8 janvier, le procureur général de Libye enquête sur les crimes qu’aurait commis Saïf Al-Islam Kadhafi depuis février 2011, affirment maître Payam Akhavan et Philippe Sands. Tripoli explique ne pas être en mesure de fournir à la Cour son dossier, mais en détaille cependant le contenu.
Parmi les témoins, des amis et associés de Kadhafi auraient été interrogés, ainsi que des militaires, aujourd’hui détenus. Le procureur général libyen détiendrait aussi des écoutes téléphoniques montrant que Saïf Al-Islam Kadhafi donnait des ordres aux forces de sécurité pour tuer les manifestants. Enfin, des preuves de l’emploi de mercenaires, venus de différents pays d’Afrique pour aider les forces de Kadhafi pendant la révolution, s’ajouteraient au dossier. Selon la requête déposée devant les juges, Saïf Al-Islam Kadhafi pourrait être mis en accusation d’ici trois semaines pour les crimes commis en 2011, après interrogatoire du suspect.
Concernant Abdullah El-Senoussi, un procureur militaire libyen a ouvert une enquête le 3 avril, quelques jours après son arrestation, le 17 mars, en Mauritanie. La Libye affirme que Nouakchott lui a assuré qu’il serait extradé vers Tripoli, dès que son état de santé lui permettrait de voyager. L’ancien chef des renseignements militaires souffrirait d’une maladie du foie. La France, qui l’avait condamné à la perpétuité par contumace pour l’attentat du DC10 d’UTA, perpétré en septembre 1989, et la CPI, ont aussi demandé son extradition. La Mauritanie ne s’est pas encore officiellement prononcée.
La Libye, qui applique la peine de mort, précise que si une telle sentence devait être prononcée, elle serait sous le contrôle de la Cour Suprême, comme le veut le code de procédure pénale libyen, inspiré du droit italien. Cette peine peut aussi être commuée en une condamnation à perpétuité, « dans les cas où les membres des familles des victimes pardonnent le condamné. »
La Libye demande aussi à la Cour d’annuler sa décision du 4 avril qui ordonnait la livraison immédiate de Saïf Al-Islam Kadhafi, détenu depuis le 19 novembre 2011 à Zenten, dans le sud-ouest de la Libye. La Libye avait fait appel de cette décision, mais a été déboutée.
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