En Cisjordanie, un vol de bétail symbole des tensions et de l'"impunité" de colons violents

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Un important vol de bétail en Cisjordanie occupée, dénoncé par l'ONU et une communauté de bédouins palestiniens, illustre la montée des tensions dans ce territoire et, selon les Nations unies l'"impunité" et la protection dont jouissent des colons israéliens violents.

Le 7 mars, "une quarantaine de véhicules a surgi avec l'armée israélienne" près de Ras Ein al-Auja, à proximité de Jéricho (est), dans la vallée du Jourdain, et des dizaines de personnes ont volé des chèvres et des moutons appartenant aux bédouins, affirme à l'AFP Haitham Souleimane Zayed.

Ce jour-là, "plus de 1.500 bêtes" ont disparu au total, dit M. Zayed, membre de la communauté installée sur les terres de pâturages proches de la source d'al-Auja.

"Nous avons essayé de les repousser en leur lançant des pierres pour les éloigner de l'enclos, mais nous n'y sommes pas parvenus", raconte M. Zayed, âgé de 25 ans, en indiquant que l'armée israélienne était intervenue pour protéger les voleurs, qu'il désigne comme des colons.

Interrogée par l'AFP sur ces allégations, reprises par l'ONU, l'armée israélienne a renvoyé à un communiqué de la police israélienne publié le lendemain des faits.

La police affirme être intervenue après avoir été alertée du vol de "50 moutons de la ferme de Zohar", un avant-poste de colonisation tenu par Zohar Sabah.

Cet Israélien a été visé en novembre 2024 par les Etats-Unis dans le cadre des sanctions financières prises par le gouvernement du président Joe Biden contre des colons impliqués dans des actes de violence, mesures annulées par Washington après le retour au pouvoir de Donald Trump.

- "Crime de guerre" -

"Des forces de la police et de (l'armée) ont commencé à chercher le troupeau et sont arrivées à un campement bédouin près du village d'Auja où ils ont identifié le troupeau volé", ajoute la police, précisant qu'un suspect arrêté sur place a "avoué" le vol à la suite d'un interrogatoire, qu'il a été emprisonné et que "le troupeau a été rendu à son propriétaire".

Selon un rapport du Bureau de l'ONU pour les affaires humanitaires (Ocha), se basant sur des témoignages, les assaillants ont "volé environ 1.400 bêtes et tué douze chèvres" dans cette attaque. Un Palestinien a été blessé dans l'incident après avoir "tenté d'arrêter les colons (et) a été maîtrisé par la police israélienne tandis que les colons le frappaient".

Hors Jérusalem-Est annexée par Israël, plus de 490.000 Israéliens sont installés en Cisjordanie dans des colonies régulièrement dénoncées par l'ONU comme étant illégales au regard du droit international.

"Le transfert par Israël de parties de sa propre population civile dans le territoire qu'il occupe constitue un crime de guerre", a accusé mardi le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk, appelant à cesser "immédiatement et entièrement" la colonisation de la Cisjordanie et à en "évacuer tous les colons".

M. Türk a tenu ces propos à l'occasion de la publication d'un rapport dans lequel ses services déplorent que "la frontière entre la violence des colons et celle de l'Etat (s'est) estompée jusqu'à disparaître, permettant ainsi une augmentation de la violence et de l'impunité"

Quelque trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie.

- "Déplacer les gens" -

En février, Ocha avait déjà rapporté des attaques sur la communauté bédouine de Ras Ein al-Auja, affirmant que des colons avaient rasé des bâtiments du hameau afin de construire une route pour connecter leur propres installations.

"De Massafer Yatta au Sud jusqu'au nord de la vallée du Jourdain, il n'y a pas un seul mètre carré à l'abri des attaques des colons", déplore M. Zayed. Les médias palestiniens rapportent presque quotidiennement des récits d'attaques.

"Le principal objectif, c'est de déplacer les gens", conclut-il, alors que les partenaires d'extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu évoque de plus en plus ouvertement la perspective de l'annexion de pans entiers de la Cisjordanie à la faveur de la présidence de M. Trump.

Les violences en Cisjordanie ont explosé en marge de la guerre dans la bande de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas sur le sud d'Israël le 7 octobre 2023.

Au moins 911 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, d'après le ministère de la Santé palestinien. Dans le même temps, au moins 32 Israéliens, dont des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires, selon les données officielles israéliennes.

Fin novembre 2024, l'ONG israélienne anticolonisation La paix maintenant dénombrait 147 colonies reconnues par les autorités israéliennes en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, ainsi que 224 avant-postes établis sans l'aval des autorités.