19.06.12 - FRANCE/RWANDA - MUHAYIMANA S'OPPOSE À SON EXTRADITION DEVANT LA COUR DE CASSATION

Paris, 19 juin 2012 (FH) – Claude Muhayimana, le cantonnier de Rouen ayant fait l'objet le 29 mars d'un avis favorable d'extradition vers le Rwanda, s'est opposé aujourd'hui devant la Cour de cassation de Paris à la décision de la Cour d'appel de Rouen.

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Placé sous strict contrôle judiciaire, le Français d'origine rwandaise a obtenu l'autorisation de sortir du département de la Seine-Maritime pour assister à la brève audience organisée au Palais de Justice de Paris, accompagné de ses proches et de militants du Rwanda national congress (RNC), un parti d'opposition fondé par d'anciens compagnons d'armes de l'actuel président rwandais. Muhayimana indique en être le "secrétaire régional Normandie depuis décembre 2010".

Sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré le 13 décembre 2011 par le procureur général du Rwanda, accusé d'avoir participé au génocide de 1994 dans la province de Kibuye où il résidait et exerçait le métier de chauffeur, Muhayimana a fait l'objet d'une procédure rapide. Qui semble l'avoir surpris. "C'était le 8 mars dernier, j'étais au travail, mon chef d'équipe est venu me chercher et quatre policiers en civils m'ont menotté pour me conduire au poste. J'ai ensuite passé sept jours à la prison centrale Bonne nouvelle… avant d'être libéré", raconte-t-il.

Père de deux enfants, divorcé, Muhayimana dit vivre depuis 2001 sur le territoire français, où il a obtenu la nationalité. L'employé municipal rouennais assure n'avoir pas participé aux massacres commis dans la ville de Kibuye à la mi-avril 1994. "Je suis parti à Ruhengeri le 13 avril, pour transporter la dépouille d'un gendarme qui était mort, et je n'y suis revenu que le 27", précise-t-il.

Bien que citoyen français, les crimes allégués ayant été commis avant l'acquisition de sa nationalité, la demande d'extradition du Rwanda reste valide.

La Cour d'appel de Rouen a estimé, le 29 mars, que "les tribunaux de l'Etat requérant sont en mesure d'assurer les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense", se référant à une décision de 2011 de la Cour européenne des droits de l'homme concernant un Rwandais résidant en Suède, qui elle-même se fondait sur la première décision de transfert du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

"Les conditions légales de l'extradition sont réunies", avait conclu la Cour dans un arrêt contraire à ceux prononcés jusqu'alors, qui rejetaient systématiquement les demandes d'extradition émanant du Rwanda. L'avocat général, qui représente le ministère public devant la Cour de cassation, s'est prononcé pour sa cassation dans son avis. Pour lui, la motivation de l'arrêt, "qui ne s'est pas livré à un examen particulier des faits" paraît insuffisante et "devrait être sanctionnée".

"On ne peut en effet pas procéder par comparaison, appuie l'avocat du franco-rwandais, il faut aller au fond des choses, ce que la Cour d'appel de Rouen n'a pas fait. Le point fondamental, ajoute Philippe Meilhac, est que le TPIR n'accorde le transfert que sous condition d'un monitoring très strict, qui permet de surveiller le procès et de récupérer le transféré si besoin. Cette garantie n'existe pas dans le cas d'une extradition."

Le défenseur s'appuie par ailleurs sur "un grand principe ancestral, qui est que l'on ne peut pas condamner quelqu'un pour une peine qui n'était pas prévue au moment où le crime aurait eu lieu. Or la loi rwandaise sur le génocide date de 2004."

Pour Muhayimana, l'affaire est politique. "Avec le RNC, nous sommes venus manifester contre la venue du président Kagame en septembre dernier à Paris. Le mandat d'arrêt a été rédigé dans la foulée."

L'homme, qui a servi en 1994 comme chauffeur pour les militaires français de l'opération Turquoise affirme avoir dû "quitter le Rwanda pour le Kenya, début 1995, parce qu'on [lui] demandait de signer des papiers pour accuser les Français de crimes qu'ils n'ont pas commis". Plus tard, en 2006, une relation l'aurait de nouveau approché en France, dit-il, "pour charger le dossier des militaires, en proposant de l'argent, et me disant ‘si tu as peur, on va t'amener en Amérique’…".

La Cour de cassation doit rendre son arrêt le 11 juillet. Si l'appel de Muhayimana est accordé, son dossier pourra être renvoyé vers une Cour d'appel. Si l'appel est rejeté, la question de son extradition arrivera sur le bureau du nouveau premier ministre français, Jean-Marc Ayrault.

FP/ER/GF