Le premier verdict prononcé par cette cour permanente siégeant à La Haye concernait un autre fils de l’Ituri, Thomas Lubanga condamné à 14 ans de réclusion pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Lubanga, qui a décidé de faire appel, a été reconnu coupable d’avoir enrôlé de force des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes et les avoir fait participer à des hostilités. Ngudjolo est aussi poursuivi pour enrôlement d’enfants. Mais pour lui, s’ajoutent des allégations de violences sexuelles qui, dans l’affaire Lubanga, n’avaient été plaidées qu’à la phase consacrée à la détermination de la peine.
Le village de Bogoro
Les crimes reprochés à Ngudjolo ont été perpétrés lors de l’attaque, le 24 février 2003, de Bogoro, un village de l’Ituri. Le procureur soutient que l’accusé était, à l’époque, le plus haut commandant du Front des nationalistes intégrationnistes (FNI), une des milices qui sévissaient alors en Ituri. C’est donc en cette qualité – qu’il conteste du reste- que Ngudjolo aurait joué un rôle essentiel dans la conception et la mise en oeuvre de l’attaque de Bogoro. Pendant et après l’attaque dirigée principalement, selon l’accusation, contre les civils de l’ethnie Hema, avec la participation d’enfants de moins de 15 ans, 200 personnes ont été tuées, des atteintes graves à l’intégrité physique ont été commises, plusieurs femmes et filles réduites en esclavage sexuel...
Toujours selon le procureur, l’assaut a été lancé conjointement avec la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI) dont le chef, Germain Katanga, a comparu aux côtés de Ngudjolo jusqu’à la dernière audience, en mai dernier, lorsque la partie adverse a demandé à la chambre de les déclarer coupables de tous les chefs d’accusations portés contre eux. Le 21 novembre, dans une décision, la chambre a décidé de disjoindre. Katanga ne sera donc pas fixé sur son sort avant 2013.
Un accouchement
Ngudjolo a nié toutes ces accusations, soutenant, depuis le début du procès, le 24 septembre 2009, qu’il n’était pas présent à Bogoro, le jour de l’attaque, mais procédait, en sa qualité d’infirmier, à un accouchement. Le procureur a rétorqué que la présence physique d’un commandant n’est pas requise pour que sa responsabilité pénale soit engagée : il peut, de loi, diriger les opérations.
Ngudjolo a nié, non seulement cette position d’autorité, mais aussi le fait d’avoir été un homme en armes, à l’époque. «Je n’ai jamais été membre d’un groupe de militaires ou des milices en Ituri. Je n’ai jamais eu de soldats sous mon commandement. (…) J’étais infirmier », a-t-il clamé lors de sa déposition pour sa propre défense.
Pour lui, l’attaque de Bogoro a été planifiée par le président Joseph Kabila lui-même, qui voulait reprendre le contrôle d’un territoire tombé aux mains de l’Union des patriotes congolais (UPC), une milice soutenue par l’Ouganda puis le Rwanda. Une attaque légitime, donc, selon les avocats de la défense.
Mardi, les juges diront si l’accusé est coupable ou non. Si sa responsabilité pénale est jugée établie au-delà de tout doute raisonnable, une nouvelle audience aura lieu qui sera consacrée à la peine : une dernière passe d’armes qui opposera encore le procureur à la défense et à laquelle les représentants des victimes prendront également la parole. S’il est acquitté, il laissera derrière les barreaux son ancien co-accusé Germain Katanga qu’il affirme n’avoir connu qu’après l’attaque de Bogoro.
ER/GF