Justin Mugenzi était ministre du Commerce et Prosper Mugiraneza, ministre de la Fonction publique. Ils avaient été condamnés à 30 ans de prison en première instance.
« C’est une décision extrêmement décevante de la part de la chambre d’appel du TPIR », s’est indigné Martin Ngoga, dans un communiqué en anglais. »Les effroyables divergences entre les décisions de première instance et les décisions d’appels dans nombre d’affaires, dont celle-ci, posent de sérieuses questions », affirme le magistrat rwandais.
« Les plus récentes décisions de la chambre d’appel tendent à adopter un traitement simpliste des faits et créent une tendance à exonérer les dirigeants politiques », a accusé le Procureur Général, pour qui, par ailleurs, « il y a des raisons de croire que cette tendance va continuer ». «C’est triste », a-t-il ajouté.
Dans la même veine, Jean-Pierre Dusingizemungu, président d’Ibuka, la principale organisation de survivants du génocide des Tutsis, s’est dit « très attristé » par le jugement, dans un entretien avec Radio Rwanda. Pour lui, cet arrêt « apporte de l’eau au moulin des négationnistes du génocide » des Tutsis.
En première instance, Mugenzi et Mugiraneza avaient été reconnus coupables d’entente en vue de commettre le génocide et d’incitation directe et publique à commettre le génocide pour deux faits.
Ils avaient participé le 17 avril 1994 à Gitarama, dans le centre du Rwanda, à un conseil des ministres qui avait décidé de limoger le préfet tutsi de Butare, Jean-Baptiste Habyarimana. Ce dernier était considéré comme le dernier obstacle au génocide dans sa préfecture méridionale. La révocation fut annoncée le surlendemain dans un stade de Butare, en présence des membres du gouvernement et d’autres responsables tant civils que militaires. Après son limogeage, le préfet Habyarimana fut tué et les massacres qui étaient encore très circonscrits dans sa préfecture, devinrent systématiques et généralisés.
Les juges de première instance avaient conclu que les deux personnalités avaient, par leur présence, participé à une entente en vue de commettre le génocide et s’étaient rendus coupable du crime d’incitation directe et publique à commettre le génocide, en approuvant, même tacitement, le discours incendiaire prononcé le 19 avril 1994 à Butare par le président intérimaire Théodore Sindikubwabo. Ce dernier serait mort dans son exil dans l’ex-Zaïre (actuelle République démocratique du Congo).
La chambre d’appel a tiré des conclusions différentes. Pour elle, le limogeage du préfet Habyarimana a certes contribué à la généralisation des massacres mais la décision du gouvernement pourrait avoir été prise pour « des raisons politiques et administratives » et non pas nécessairement pour donner le champ libre à la machine génocidaire. Le gouvernement s’était en effet plaint de l’absence du préfet à des réunions d’autres responsables de son rang. Les juges d’appel ont également suivi la défense qui soutenait que les deux ministres ne savaient pas ce que leur président allait dire dans ce discours passé dans l’Histoire.
ER/YL