Preuves documentaires ou témoignages, tout sera mis à profit par Fatou Bensouda et son équipe pour expliquer à cette chambre de mise en accusation que l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, mérite d’être formellement inculpé et renvoyé en procès. L’accusation devra présenter les preuves essentielles à l’appui des chefs de crimes contre l’humanité (meurtres, viols et autres violences sexuelles, actes de persécution et autres actes inhumains) pour lesquels elle veut poursuivre l’ancien chef d’Etat. Ces crimes ont été perpétrés dans le contexte des violences post-électorales survenues sur le territoire ivoirien entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Même si le plus lourd fardeau incombe au procureur, la défense, conduite par le Français Emmanuel Altit, ne viendra pas les mains vides. Elle développera elle aussi ses arguments et pourra même présenter des preuves ou faire entendre des témoins. Gbagbo, qui pour l’instant n’est qu’un suspect aux yeux de la Cour, pourra lui aussi, s’il le souhaite, s’adresser à ses juges.
Selon l’agence de presse britannique Reuters, un homme politique français, Guy Labertit, a rendu visite à Gbagbo ces derniers jours à sa prison de Scheveningen à La Haye. « Nous irons jusqu'au bout, c'est un procès politique devant l'Histoire », a déclaré l’ancien petit séminariste à Guy Labertit, ex-délégué Afrique du Parti socialiste français. « Il considère que tout ce qu'on lui reproche, c'est en tant que chef d'Etat et chef des armées et qu'il n'y a pas d'incrimination directe contre lui, même si l'accusation le présente aujourd'hui comme un acteur direct », rapporte le Français cité par Reuters. Laurent Gbagbo avait réussi à se faire des amis au sein du Parti socialiste français lors de son exil à Paris dans les années 1980. Selon la tradition de la CPI,la chambre se retirera, au terme du dernier jour des débats, pour délibérer et sa décision ne tombera pas avant plusieurs semaines.
Le 2 novembre 2012, la Cour avait jugé que Laurent Gbagbo était apte à participer à la procédure, rejetant ainsi une demande de la défense. Mais des ajustements pratiques doivent être mis en place, en consultation avec la défense et le greffe, en raison de la mauvaise santé du suspect. L’ancien professeur d’Histoire a été transféré à la CPI le 30 novembre 2011. Sa comparution initiale devant la Cour a eu lieu le 5 décembre de la même année. A cette époque, la Côte d’Ivoire n’avait pas encore formellement ratifié le traité de la CPI, mais en avait en revanche accepté la compétence. En octobre 2003, Gbagbo, alors président de Côte d’Ivoire, avait en effet saisi la Cour des crimes commis depuis la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002. En 2011, Alassane Ouattara, après avoir pris les commandes, avait avalisé le courrier de son prédécesseur, mais insistait auprès du procureur pour qu’il enquête sur les crimes commis depuis le 28 novembre 2010. Une décision de la CPI rendue en février 2012 a élargi le champ d’enquête du procureur de la Cour aux crimes commis depuis le 19 septembre 2002. Et Abidjan a déposé vendredi dernier, à quatre jours de la comparution de Gbagbo, les instruments de ratification du traité de Rome.
Pendant ce temps, les pro-Gbagbo continuent d’accuser Mme Bensouda de s’acharner contre le seul camp des vaincus. L’ancien chef d’Etat et son épouse Simone, encore détenue dans son pays, ne sont-ils pas jusqu’à présent les seuls à avoir fait l’objet de mandats publics de la CPI ? Mme Bensouda a en tout cas promis d’enquêter sur les deux camps, sans discrimination. Le moment venu, « d’autres requêtes aux fins de délivrance de nouveaux mandats d’arrêt » seront déposées devant les juges, assurait-elle, après avoir rendu public, fin novembre 2012, lemandat d’arrêt contre Mme Gbagbo.
ER/JLM
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