Elle a cependant été acquittée des chefs de conspiration à commettre le génocide, de crimes de guerre, et de meurtres.
Vêtue d’un gilet rose et coiffée d’un chignon soulignant un peu plus un regard fatigué et tendu, Yvonne Basebya, néerlandaise d’origine rwandaise, a écouté pendant près de trois heures le résumé du jugement. Sous un portrait en pied de la Reine Béatrix des Pays-Bas, le président René Elkerbout, a rejeté toutes circonstances atténuantes, estimant notamment qu’elle « a toujours cette idéologie anti-Tutsi», soulignant qu’elle n’avait « aucune empathie avec les survivants du génocide », et qu’elle n’avait exprimé « ni repentir, ni excuses » au cours du procès commencé le 22 octobre 2012.
Epouse de l’ancien député du MRND, Augustin Basebya, elle appartenait à la Coalition pour la défense de la République (CDR), « une idéologie extrêmement raciste », selon les juges. Se basant sur des écoutes effectuées par la police néerlandaise à son domicile des Pays-Bas, où elle s’était réfugiée en 1998, les juges ont affirmé qu’elle nourrissait « la haine des Tutsis ».
Pour reconnaître l’accusée coupable d’incitation au génocide, les juges se sont basés sur son activisme au sein de la CDR, dont sa participation à des réunions et au recrutement de jeunes désoeuvrés.
Si les magistrats ont admis qu’en 1994, Yvonne Basebya a avait « un grand prestige et une autorité morale » dans le quartier Gikondo, ils ont en revanche estimé qu’elle ne dirigeait pas la milice. Pour les juges, elle a « abusé de son autorité pour recruter des gens de la CDR, leur a donné de l’argent, à manger, et des vêtements ». Elle a aussi participé à des réunions, où elle était « comme un chef d’orchestre devant le groupe, lorsqu’elle chantait Tubatsembatsembe [exterminons- les] »
Le ministère public a été débouté sur tous les autres chefs d’accusation. Les juges ont rejeté les accusations relatives aux émeutes survenues après l’assassinat de Martin Bucyana leader de la CDR, en février 1994. Ils ont ensuite estimé qu’elle n’était pas présente lors du massacre de 150 tutsis à l’église des Pallotins, le 9 avril 1994. Enfin, ils l’ont aussi acquittée pour « la chasse aux Tutsis », fait sur lequel n’existait qu’un témoignage non corroboré.
Concernant le chef de crimes de guerre, les magistrats ont jugé qu’elle n’avait pas d’influence sur le conflit armé en cours depuis le 1er octobre 1990, opposant les Forces armées rwandaises (FAR) aux rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) et ajouté qu’à leurs yeux, il n’y avait « pas d’association explicite entre la CDR et les FAR. »
Les juges ont rejeté la thèse de la défense, selon laquelle l’accusée serait victime d’un « groupe de profiteurs », désireux de s’approprier ses biens immobiliers au Rwanda. Au cours du procès, Yvonne Basebya avait notamment refusé d’énumérer précisément la liste de ses biens, ont souligné les juges.
Plusieurs proches de l’accusée étaient présents à l’audience vendredi. L’une de ses filles s’est effondrée en larmes lorsque la condamnée a quitté le prétoire pour rejoindre la prison.
SM/ER