Dans deux requêtes similaires qu’il a plaidées en personne malgré la présence de son avocat, Mugesera, a essayé de puiser ses arguments dans le propre carquois du procureur qui avait demandé à la chambre de ne pas accorder de crédit aux déclarations d’un ancien ministre rwandais réfugié en Europe. Le contenu des déclarations de l’ancien ministre Stanislas Mbonampeka n’a toutefois pas été abordé lors du débat. Dans son argumentaire, le procureur général Martin Ngoga a fait valoir que Mbonampeka ne pouvait être considéré comme un témoin crédible, étant lui-même recherché pour son rôle allégué dans le génocide des Tutsis de 1994.
« Si le procureur part du principe qu’un suspect ne peut être crédible, alors je demande que la chambre ordonne l’annulation des déclarations de témoins à charge, dont certains ont été jugés et condamnés », a plaidé Mugesera, dans un mélange de français et de langue rwandaise. « Leur situation est pire que celle de Mbonempeka qui n’est encore qu’un suspect », a-t-il souligné. Des déclarations recueillies par le procureur ont été communiquées aux juges et à la défense en attendant la comparution des ces témoins. Invoquant le principe de l’égalité devant la loi et la justice, le linguiste rwandais a demandé que ces condamnés soient carrément retirés de la liste des témoins du procureur. Dénonçant « des témoins du mensonge », il a même appelé la Cour à déclarer certains d’entre eux coupables de « parjure ». La chambre n’a pas encore commencé à entendre les témoins. Les audiences ont été dominées jusqu’à présent par les explications de l’accusé qui tente de prouver l’innocence de son célèbre discours présenté par le procureur et de nombreux spécialistes du Rwanda comme une incitation des Hutus à tuer les Tutsis. «Le Docteur Mugesera confond les choses. Nous n’avons pas énoncé de principe. Nous avons dit qu’un témoin spécifique, Stanislas Mbonampeka, ne pouvait pas être crédible », a réagi le procureur général Martin Ngoga. « Nos témoins viendront à la barre, il pourra les contre interroger et contester leur crédibilité, c’est son droit. Mais pour l’instant, sa requête est prématurée et déplacée », a plaidé Ngoga.
L’accusé a alors tenté de déplacer le débat sur un autre terrain, en reprochant au procureur de dénier la présomption d’innocence à Mbonampeka. Conduite par le juge Athanase Bakuzakundi, la chambre lui a rappelé que l’accusé, c’était lui Mugesera et non Mbonampeka. Le magistrat a une nouvelle fois assuré l’accusé que le tribunal veillait au respect de sa présomption d’innocence. Après avoir longuement entendu l’universitaire qui parlait assis, en face de plusieurs piles de documents, la chambre a demandé à l’avocat de la défense, Félix Rudakemwa, s’il avait quelque chose à dire en appui aux arguments de son client. « C’est suffisamment clair, je n’ai rien à ajouter », a répondu Me Rudakemwa, du barreau de Kigali. Pour sa part, M. Ngoga a prié les trois magistrats de rejeter les demandes de l’accusé, les jugeant « totalement infondées ».
Les juges se sont alors retirés pour des délibérations qui ont duré une demi-heure. « Les requêtes de Mugesera sont rejetées », a déclaré le juge Bakuzakundi, à son retour dans la salle d’audience. La chambre a expliqué que les demandes de Mugesera étaient prématurées étant donné que la phase d’audition des témoins n’a pas encore commencé.
Le procès devait se poursuivre par des explications supplémentaires de Léon Mugesera sur les règles d’analyse du discours.