Désignés par les pseudonymes BBM, BUY, BVS et BBT, les quatre témoins avaient été cités par l’accusation au TPIR dans le procès de l’ancien maire de Murambi (Nord-Est) et ancien directeur au ministère de la Famille et de la promotion de la femme, Jean-Baptiste Gatete qui s’est vu infliger 40 ans de réclusion.
Dans sa requête, le tribunal de Frankfort avait émis le souhait de pouvoir rencontrer ces témoins et, éventuellement, les entendre dans le cadre du procès d’un Rwandais poursuivi en Allemagne pour son rôle présumé dans le génocide des Tutsis de 1994 dans son pays d’origine, Onesphore Rwabukombe.
Ouvert en janvier 2011, le procès de Rwakombe est le premier en Allemagne en rapport avec le génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda, dans lequel près 800.000 personnes avaient été tuées, selon l’ONU.
Rwabukombe était, au moment des faits, maire de la commune Muvumba. La justice allemande le poursuit notamment pour le massacre de Tutsis qui avaient cherché refuge en avril 1994 à l’église de Kiziguro, dans la commune Murambi. Au TPIR, Gatete a été condamné pour ce massacre et d’autres crimes.
« Le tribunal allemand n’a pas démontré que la non-divulgation de l’identité de ces témoins entraînerait un déni de justice », écrit, dans sa décision de rejet, le juge Vagn Joensen préoccupé, avant toute autre chose, par la sécurité des quatre témoins.
Selon le texte du magistrat danois, les témoins avaient d’abord consenti à la divulgation de leur identité lorsqu’ils avaient été contactés en 2001 par le bureau du procureur du TPIR agissant pour le compte de la justice allemande. Mais la chambre d’appel du TPIR avait ordonné au greffe de les contacter à nouveau pour s’assurer qu’ils avaient bien compris que leur identité serait communiquée à toutes les parties dans l’affaire Rwabukombe. Après avoir reçu ces explications, ils ont fait volteface.
Le juge reconnaît l’obligation pour son institution d’aider la justice allemande, mais pour lui, le souci de protéger les quatre témoins pèse plus lourd dans la balance. Et d’ailleurs, poursuit le magistrat scandinave, d’autres personnes ont pu être témoins du massacre de Kiziguro. « Et le fait que des mesures de protection ont été prises pour les quatre n’empêche pas le tribunal allemand de mener ses propres enquêtes et trouver d’autres témoins qui auraient des informations sur le rôle présumé de Rwabukombe », ajoute le juge.
Le MTPI et, avant lui, le TPIR, ont accepté par le passé de divulguer l’identité de témoins protégés à la demande de pays occidentaux enquêtant sur des Rwandais soupçonnés de participation au génocide des Tutsis mais c’était, chaque fois, après s’être assurés du consentement des personnes concernées.
La France, un des pays qui ont déposé le plus de requêtes du genre auprès du TPIR, a obtenu plusieurs fois les informations demandées. Par exemple, dans le cadre de son enquête sur le capitaine Pascal Simbikangwa, détenu à Paris, la justice française a obtenu du MTPI en janvier dernier la divulgation de l’identité d’un témoin ayant déposé dans le procès du colonel Théoneste Bagosora condamné à 35 ans de prison par le TPIR.
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