L’instance avait été saisie le 23 février par le ministre de l'Intérieur.Déboutée du droit d'asile en 2009 par le Conseil d'Etat, Agathe Habyarimana cherchait, depuis, à obtenir en France un titre de séjour vie privée et familiale, arguant de sa longue présence sur le territoire, avec ses enfants, dont certains ont obtenu la nationalité française. En décembre dernier, la Cour d'appel administrative de Versailles avait sommé le préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour, faute de n'avoir pu établir la « menace à l'ordre public » qu'elle représenterait. Dans son arrêt du mercredi 5 juin, le Conseil d'Etat vient de trancher cette longue bataille juridique, en considérant « que Mme Habyarimana a joué un rôle central au sein du régime au pouvoir au Rwanda jusqu'en 1994 », que ses enfants « sont majeurs et n'assument pas sa charge » et « qu'en outre l'intéressée n'est pas dépourvue de liens familiaux et personnels dans d'autres pays que la France ». Me Philippe Meilhac, l’avocat de l’ancienne première dame, s’est dit « choqué » par cette décision qui, selon lui, « bafoue la présomption d'innocence et fait fi de l'acquittement de son frère Protais (Zigiranyirazo) par le TPIR, alors que c'est leur proximité qui avait principalement valu à Mme Habyarimana de se voir refuser l'asile politique ». Protais Zigiranyirazo, qui avait été présenté par le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) comme un membre du noyau dur ayant pensé le génocide des Tutsis, a finalement été acquitté en appel.L'avocat déplore que le Conseil d'Etat, qui avait confirmé le rejet de la demande d'asile en 2009, n'ait pas tenu compte des décisions de la juridiction internationale pour modifier sa position. Dans sa nouvelle décision, le Conseil d'Etat ne précise pas les motifs pour lesquels la présence d'Agathe Habyarimana sur le territoire français constituerait « une menace à l'ordre public ». Sans statut et sans papiers, Agathe Habyarimana voit ainsi sa situation de « ni expulsable ni régularisable » confirmée par la plus haute juridiction administrative française. « Une situation bâtarde, inacceptable sur le plan humain. Aujourd'hui, la seule manière de faire évoluer les choses, c'est qu'elle puisse être entendue dans le cadre de la procédure pénale, pour que l'abcès puisse être crevé », a estimé Me Meilhac.«Quelle décision va prendre maintenant le ministère de l'Intérieur? », s’est interrogé Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association française qui a déposé une plainte pour complicité de génocide contre la veuve. « Le pire serait qu'il n'en prenne aucune et laisse pourrir la situation. Pour nous, le mieux serait que la justice mette Kanziga en examen ou l'extrade vers le Rwanda », a-t-il demandé. Toujours mercredi, la Cour d'Appel de Paris a reporté au 22 septembre le débat sur le fond concernant la demande d’extradition rwandaise visant Claude Muhayimana, un autre Rwandais soupçonné de participation au génocide des Tutsis.Le dossier revenait devant la Cour d'appel de Paris après cassation de la décision, prise le 29 mars 2011 à Rouen, d'extrader Muhayimana vers son pays d’origine.Mardi après-midi, sans attendre la décision de la Cour d’appel de Paris concernant la demande d’extradition, le CPCR a déposé une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de Claude Muhayimana suspect de crimes commis à Kibuye (ouest). « Plusieurs témoignages que nous avons recueillis sur place le mettent en cause », a expliqué Alain Gauthier. Muyahimana, qui milite au sein de l’opposition rwandaise en exil, clame son innocence.FP/ER