16.07.13 - CPI/ETATS - LA COOPERATION DES ETATS, PRINCIPAL DEFI POUR LA CPI

Arusha, 16 juillet 2013 (FH) – Accusée de plus en plus de s’acharner contre les dirigeants africains, la Cour pénale internationale (CPI), aujourd’hui âgée de 11 ans, affirme ne pas bénéficier de toute la coopération nécessaire de la part des capitales du continent noir.

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Mandats d’arrêt et autres décisions non encore exécutés, difficultés de mener des enquêtes, ce sont les principaux défis exprimés par la procureure Fatou Bensouda, depuis son entrée en fonction l’année dernière.

« Sans arrestation, la quête de justice reste sans réponse »

La célébration, mercredi, de la Journée de la justice pénale internationale, sera marquée par un nouveau constat de  l’incapacité de la CPI à faire exécuter ses mandats d’arrêt. Omar El-Béchir, soupçonné de crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour, se trouve actuellement en visite au Nigéria. Sous le coup de deux mandats d’arrêt, le président soudanais ne s’inquiète pas le moins du monde, quoiqu’une chambre de la CPI ait demandé lundi au Nigéria de l’arrêter « immédiatement » et le transférer au siège de la Cour, à La Haye, aux Pays-Bas. L’appel lancé le 05 juin dernier aux Nations unies par Fatou Bensouda, au sujet du même Béchir, n’a donc pas été entendu. «Sans arrestation, il est impossible de tenir des procès et la quête de justice pour les victimes reste sans réponse », avait insisté la procureure qui présentait au Conseil de sécurité son rapport d’étape sur les enquêtes de son bureau concernant la situation au Darfour dans l’Ouest du Soudan.  « L’exécution des mandats d’arrêt est absolument essentielle pour que la Cour et la justice internationale puissent atteindre leurs objectifs », avait-elle  ajouté. Ce n’était pas son premier appel de l’année au sujet de la situation au Darfour. Début avril, alors que la communauté internationale s’apprêtait à commémorer le dix-neuvième anniversaire du  génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda, Bensouda avait exhorté « tous les États, qu’ils soient parties au Statut de Rome ou non, à coopérer avec la CPI pour que les auteurs de génocide soient traduits en justice ». Dans le dossier du Darfour, trois autres suspects font l’objet de mandat d’arrêt.

La CPI accusée de se livrer à « une sorte de chasse raciale »

Le 15 mai dernier, à l’occasion du cinquantenaire du rêve panafricain, une soixantaine d’organisations africaines et internationales des droits de l’Homme s’étaient fait écho de l’appel de la procureure.  Rappelant que 34 des 54 pays africains avaient ratifié le Traité de Rome créant la Cour,  ces organisations avaient exhorté  l’Union africaine à apporter son soutien à la Cour. Cet appel de la société civile semble plutôt avoir jeté de l’huile sur le feu. L’UA, dont certains membres se moquaient déjà de mandats d’arrêt de la CPI, a réagi comme un lion écorché, dressant son propre réquisitoire. S’exprimant à la clôture du sommet, le 27 mai, le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, président en exercice de l’organisation continentale, a accusé la Cour de se livrer à « une sorte de chasse raciale » aux Africains. « La CPI doit bien comprendre qu’elle ne devrait pas pourchasser des Africains », a déclaré le dirigeant éthiopien réitérant  la solidarité de ses pairs avec Omar El-Béchir. Les chefs d’Etat du continent ont en prime adopté une résolution exigeant l’abandon des poursuites engagées par la CPI contre le  nouveau président kényan Uhuru Kenyatta, qui faisait sa première sortie sur la scène panafricaine.

« La tâche s’annonce ardue pour Bensouda »

La résolution africaine n’aura certes aucune force contraignante sur la CPI, une cour indépendante. Seul le Conseil de sécurité de l’ONU, auquel elle est liée par un accord de coopération, peut en effet demander une suspension des procédures, mais pas l’abandon définitif.  «Dans tous les cas, la tâche s’annonce ardue pour Bensouda », avait commenté sous couvert de l’anonymat, un juriste kényan travaillant au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie. « Il ne lui sera pas facile de convaincre des témoins kényans de venir déposer contre leur président et leur vice-président démocratiquement élus», avait estimé l’observateur kényan. Bensouda n’a-t-elle pas été obligée, dans le même dossier kényan, de renoncer, en mars, aux poursuites contre une autre personnalité kényane, Francis Muthaura, suite à la volte-face du principal accusateur et à la peur d’autres témoins ? En annonçant sa décision, Bensouda a accusé Nairobi de ne pas lui avoir facilité la tâche. Qu’en sera –t-il maintenant que deux des trois suspects restants sont aux commandes ?

Abidjan appelé à remettre Simone Gbagbo à la Cour « sans délai »

La semaine dernière, c’est la Côte d’Ivoire qui a défié la Cour internationale en renvoyant aux Assises à Abidjan Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président. A l’instar de son mari Laurent Gbagbo actuellement entre les mains de la Cour, l’ancienne première dame est soupçonnée par la CPI de crimes contre l’humanité perpétrés en Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Placé sous scellés depuis son émission le 29 février 2012, le mandat d’arrêt visant Simone Gbagbo a été rendu public en novembre dernier. Le lendemain, la procureure de la CPI a appelé Abidjan à transférer la suspecte à La Haye. Interrogée par l’Agence Hirondelle, Fatou Bensouda ne pouvait que renouveler son appel. « Le bureau du procureur exhorte à nouveau les autorités ivoiriennes  à remettre Madame Gbagbo à la Cour sans délai, dans le respect de leurs obligations, et à confirmer ainsi leur engagement en faveur de la Cour et de la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves », a-t-elle déclaré. « La Cour attend que les autorités ivoiriennes lui remettent Madame Gbagbo, comme elles l'ont fait précédemment avec  M. Laurent Gbagbo et comme elles en ont l’obligation », a insisté le bureau du procureur, relevant qu’Abidjan n’avait pas encore répondu à la demande de transfèrement de la suspecte. « Les autorités ivoiriennes n'ont pas non plus indiqué avoir des difficultés à exécuter le mandat », a ajouté la procureure.ER