Plusieurs amendements devraient être discutés au cours de cette douzième session, dont la possibilité, pour un accusé, de ne pas assister à l’intégralité de son procès ou d’y assister par vidéo conférence. Mais déposés trop tard, aucun d’entre eux ne devrait faire l’objet d’un vote. L’Assemblée a cependant débattu, à la demande de l’Union africaine, des conséquences, sur la paix et la réconciliation, de la poursuite de chefs d’Etat en exercice. Depuis plusieurs semaines, de hauts responsables des Nations unies et la présidente des Etats parties, la Lituanienne, Tiina Intelmann, mènent une active diplomatie pour que les responsables africains portent leurs revendications devant l’Assemblée des 122 membres de la Cour, plutôt que devant les Nations unis. L’UA se sera finalement tournée devant les deux instances. Le 15 novembre, elle forçait les membres du Conseil de sécurité de l’ONU à se prononcer sur une demande de suspension, pour au moins un an, des poursuites de la Cour sur les crimes commis au Kenya. Une disposition prévue par le Statut de la Cour. Si elle n’avait aucune chance d’être adoptée, la résolution a permis aux responsables africains de se faire entendre, dans un climat inhabituellement tendu. Mais à La Haye, l’ambiance semble à la conciliation. Conseillère juridique de l’Union africaine, Djeneba Diarra a réaffirmé, le 21 novembre, le soutien de l’organisation à la justice, mais reproché à la Cour de ne pas avoir ouvert d’enquêtes hors du continent africain. Quelques heures avant l’ouverture du débat, la procureure avait demandé aux juges d’interdire à William Ruto, vice-président du Kenya, en procès depuis le 10 septembre, à La Haye, de participer au débat, comme il l’aurait un temps envisagé, selon l’accusation. En l’absence de William Ruto, c’est finalement le procureur général, Githu Muigai, qui s’est exprimé au nom du Kenya. Le juriste a assuré que l’immunité des chefs d’Etat, reconnue dans les droits nationaux, ne vise pas à favoriser un individu, mais doit permettre « la continuité de l’Etat ». Un Etat, le Kenya, avec lequel « la communauté internationale ne peut pas jouer à la roulette russe », a-t-il prévenu. Un Etat « pivot » pour la sécurité de 250 millions de personnes dans l’Est de l’Afrique, a-t-il plaidé, au cœur de la lutte contre le terrorisme, la piraterie, le trafic de drogue et le trafic d’êtres humains. Très attendu, le débat n’a pas suscité de grandes controverses, plutôt réservées aux discussions de couloir. Deux constantes se sont pourtant dégagées. La capacité, pour la Cour, d’adapter ses textes, d’être flexible, inventive, dans le cas d’une situation sans précédent : celle d’un chef d’Etat en exercice, Uhuru Kenyatta, démocratiquement élu et qui tout en usant de toutes les tactiques pour échapper à la juridiction, continue de coopérer avec elle. L’autre constante de ce débat, c’est la persistance d’une justice de deux poids deux mesures, dans laquelle, comme l’ont rappelé nombre d’intervenants, les victimes de Gaza, de Syrie, du Sri Lanka et des drones américains sont oubliées. Au cours d’une conférence de presse, Richard Dicker, de Human Rights Watch, a bien volontiers dénoncé ce fait, tout en estimant que « ce n’est pas une raison pour dénier toute justice aux victimes du Darfour ». SM/ER