Selon les chiffres de l’ONU, près de 800.000 personnes, essentiellement au sein de l’ethnie tutsie, furent tuées d’avril à juillet 1994, au Rwanda, un petit pays d’Afrique centrale. Accusée par les autorités rwandaises d’être un havre de paix pour les auteurs du génocide des Tutsis, la France espère tenir du 4 février au 28 mars 2014 devant les assises de Paris, le procès du capitaine Pascal Simbikangwa, ancien agent des services de renseignements rwandais. Proche de la famille de l’ex-président Juvénal Habyarimana, Simbikangwa, qui se déplace en chaise roulante depuis un accident dans les années 1980, sera jugé pour « complicité de génocide » et « complicité de crimes contre l'humanité ».
La France rejoindra une peloton de tête
Présenté comme un membre de l'"Akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a planifié et mis en oeuvre le génocide des Tutsis, Simbikangwa est notamment accusé d'avoir armé des miliciens extrémistes hutus Interahamwe et de les avoir encouragés à massacrer des Tutsis. C’est à la fin de mars dernier que les juges Emmanuelle Ducos et David De Pas, du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris, ont ordonné la mise en accusation de M. Simbikangwa pour crimes commis à Kigali et dans d’autres parties du Rwanda, notamment dans la préfecture de Gisenyi (Nord-Ouest), entre avril et juillet 1994, comme le demandait le parquet. « Malgré la satisfaction de voir enfin, près de vingt ans après le génocide des Tutsis, un des hauts responsables rwandais jugé par la justice française, nous ne cesserons de regretter qu’il ait fallu autant de temps pour que ce premier procès ait lieu », écrit Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dans un communiqué publié vendredi. « En déposant plainte contre lui, le CPCR ne s’est pas engagé à la légère. Nous avons de vraies raisons de le poursuivre, beaucoup de témoins et d’historiens le mettent en cause », ajoute Gauthier. Pour sa part, Simbikangwa a toujours clamé son innocence. La France rejoindra, en ouvrant le procès du capitaine, un peloton de tête de pays européens, comme la Belgique et les Pays-Bas, qui ont déjà jugé devant leurs tribunaux des personnes d’origine rwandaises accusées de participation au génocide des Tutsis.
Un prêtre catholique accusé de viol
L’année 2014 pourrait également voir la clôture de la phase d’instruction dans le dossier largement médiatisé de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka. Ce prêtre catholique, qui exerce actuellement dans la paroisse de Gisors, dans le Nord de la France, a jusqu’ici fait l’objet de trois enquêtes, dont celle de la justice rwandaise qui l’a été condamné à la perpétuité à l’issue d’un procès par contumace. L’homme d’église faisait également partie des accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui, en novembre 2007, a finalement confié l’affaire à la justice française. Cette dernière avait également ouvert un dossier à charge du prêtre. Selon l’acte d’accusation émis par le TPIR, ce prêtre de la paroisse Sainte-Famille de Kigali entre 1992 et 1994, aurait tué et violé plusieurs personnes et aurait remis des dizaines d'autres aux milices extrémistes hutu Interahamwe qui les ont exécutées. Selon un rapport de Laetitia Husson, l’employée du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), chargée de surveiller le déroulement de cette procédure en France, l’information judiciaire pourrait être clôturée à la fin de l’année 2014. L’auteure du rapport souligne avoir rencontré plus d’une fois en juin dernier, en France, le Procureur général adjoint près le Tribunal de grande instance de Paris, Jean Quintard et la Vice-Présidente du même tribunal, Emmanuelle Ducos. Cette dernière « a souligné que l’information judiciaire concernant M.Munyeshyaka va bientôt entamer sa dernière phase » tandis que « Quintard a indiqué que l’information judiciaire dans cette affaire pourrait être clôturée à la fin de l’année 2014 », selon Laetitia Husson. Le parquet « a précisé que si l’affaire n’aboutit pas à un non-lieu mais à un renvoi devant la cour d’assises, le procès devrait avoir lieu en 2015 ou 2016 », ajoute le rapport du MTPI.
Une décision très attendue de la Cour de cassation
C’est toujours en 2014 que la plus haute instance judiciaire française, la Cour de cassation, se prononcera sur un pourvoi contre la toute première décision d’extradition vers le Rwanda, prononcée par la Cour d’appel de Paris. Rendu le 13 novembre, cet avis favorable concerne Claude Muhayimana et Innocent Musabyimana. Le premier est notamment accusé par Kigali d'avoir participé au massacre de Tutsis dans la ville de Kibuye (Ouest), tandis que le second est recherché pour des meurtres dans la province de Gisenyi (Nord-Ouest), à la frontière congolaise. Ce n’est pas la première fois qu’une Cour d’appel en France se prononce pour une extradition vers le Rwanda, mais c’est une première pour la Cour d’appel de Paris. Contrairement à ces décisions antérieures, la Cour a considéré le 13 novembre que les personnes visées ne seraient pas en danger et bénéficieraient d’un procès équitable, si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine. Muhayimana et Musabyimana ont aussitôt saisi la Cour de cassation qui a, à ce jour, mis en échec tout projet d’extradition vers le Rwanda. La décision de cette instance sur ce nouveau pourvoi est donc très attendue. La justice française enquête actuellement sur une vingtaine de dossiers liés au génocide des Tutsis, dont celui d’Agathe, la veuve de l’ex-président Juvénal Habyarimana. Sur les continents européen et américain, seuls le Canda, les Etats-Unis et la Norvège ont, à ce jour, renvoyé devant la justice de leur pays d’origine des Rwandais accusés de participation au génocide de 1994.ER