Aujourd’hui âgé de 60 ans, Grégoire Ndahimana dirigeait la commune de Kivumu, dans la préfecture de Kibuye (Ouest) pendant le génocide des Tutsis de 1994.« La chambre d’appel, siégeant en audience publique, annule la peine de 15 ans de prison et impose une peine de 25 ans d’emprisonnement », a déclaré le juge président Theodor Meron, lisant un résumé en anglais de l’arrêt.Les cinq juges d’appel ont confirmé sa culpabilité pour génocide et extermination (crime contre l’humanité) mais avec une forme de responsabilité plus lourde.La chambre de première instance l’avait condamné pour n’avoir pas sanctionné les policiers communaux qui avaient été impliqués le 15 avril 1994 dans l’attaque contre les Tutsis réfugiés à l’église catholique de Nyange, située dans sa commune. Il avait été également condamné pour « approbation tacite » de la destruction de l’édifice religieux le lendemain. L’église de Nyange fut démolie à l’aide d’un bulldozer, le 16 avril, ensevelissant ainsi près de 2.000 Tutsis qui s’y trouvaient.Pour la chambre d’appel, l’ancien maire était bel et bien animé par l’intention génocidaire et a agi « dans le cadre d’une entreprise criminelle commune (e.c.c) visant à exterminer les Tutsis de la commune Kivumu ».L’arrêt souligne que Ndahimana et d’autres dignitaires de l’endroit ont partagé de la bière, en guise de jubilation, après la destruction de l’église.Après la lecture du jugement, l’ancien maire qui était debout dans le prétoire, s’est effondré brutalement sur son fauteuil. Pour sa part, son épouse, Esther, présente dans la galerie publique, n’a pas pu retenir ses larmes.Ndahimana avait été arrêté le 10 août 2009 dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et transféré au centre de détention des Nations unies à Arusha, en Tanzanie, 11 jours plus tard. Son procès s’était ouvert le 6 septembre 2010.Il est la troisième personne condamnée par le TPIR pour le massacre de l’église de Nyange, après l’ancien prêtre de cette paroisse Athanase Seromba et l’homme d’affaires Gaspard Kanyarukiga.Le TPIR a également inculpé pour les mêmes événements l’ex-Inspecteur de police judiciaire Fulgence Kayishema, encore en fuite.Au Rwanda, deux prêtres catholiques, les abbés Edouard Nturiye et Jean-François Kayiranga ont été jugés pour les mêmes faits et acquittés.Egalement jugé au Rwanda, le chauffeur du bulldozer ayant détruit l’église, Anastase Nkinamubanzi, a pour sa part été condamné à la perpétuité.Le rôle des Eglises, particulièrement de l'Eglise catholique, dans le génocide de 1994 au Rwanda, suscite toujours de vives polémiques.Lors des pogroms anti-tutsis de 1959 et de 1962 au Rwanda, les Tutsis qui s'étaient réfugiés dans des églises avaient eu la vie sauve.Trois décennies plus tard, ils avaient donc afflué par dizaines de milliers dans des édifices religieux pour tenter d'échapper à leurs bourreaux. Mais, cette fois-ci, le plus souvent pour y mourir, déchiquetés par des grenades, brûlés vifs ou écrasés par des bulldozers.ER