« Je l'ai connu quand j'étais dans ses cachots », a indiqué Samuel Nshimiyimana qui a travaillé au début des années 1990 dans divers journaux proches de l’opposition au président Juvénal Habyarimana. L’ancien journaliste, qui vit toujours à Kigali, a précisé avoir été « torturé d'abord par ses hommes, après par lui personnellement ».Ancien membre de la garde du président Habyarimana et ancien employé du Service central de renseignement (SCR), Simbikangwa est le premier Rwandais jugé en France pour son rôle présumé dans le génocide des Tutsis. Inculpé de complicité de génocide et de complicité de crimes contre l’humanité, il est accusé d’avoir armé et galvanisé les miliciens hutus qui tenaient des barrières auxquelles les Tutsis étaient identifiés et tués en 1994, dans les environs de son domicile à Kigali et à Gisenyi (nord), sa région d’origine.Cité parmi les témoins appelés à éclairer le jury sur le parcours de l’accusé, Nshimiyimana, dit Sam Gody, a raconté avoir été arrêté le 6 janvier 1992 et emmené au Service central de renseignement, à la présidence, au « Plateau de Kigali ». Le témoin a précisé qu’il venait de publier, dans le journal Kiberinka, un article dans lequel il classait le capitaine parmi « les escadrons de la mort ».Selon son récit, des hommes qu’il n’a pas pu identifier lui bandent les yeux avec un bandeau trempé de piment et commencent à le frapper avec une matraque.Le lendemain, le capitaine, paraplégique après un accident de la route en 1986, s’occupe personnellement du journaliste. « « Il était assis dans sa chaise roulante, il m'a fait mettre les pieds sur la table, mais ne m'a pas frappé tout de suite », relate le témoin, soulignant que l’accusé en est venu aux coups après l’avoir brièvement interrogé. « Il s'est acharné, m'a frappé les pieds je ne sais pas combien de minutes, mes pieds c'était des lambeaux, presque de la viande ».Le témoin n’aura la vie sauve qu’après avoir promis de ne plus égratigner le capitaine dans la presse. Mais il ne pourra pas, selon son témoignage, se retenir de raconter, dans un article paru par la suite, sa douloureuse expérience au bureau de Simbikangwa.A la question du juge Olivier Leurent de savoir pourquoi il n’a pas saisi la justice, l’ancien journaliste répond que l’accusé, un proche du président Habyarimana, « était au-dessus des lois ». Le président de la cour d’assises fait alors remarquer au témoin des différences entre sa déposition et ses déclarations antérieures à Reporters sans Frontières (RSF) et aux gendarmes français. A chaque fois, je ne répondais qu’aux questions qui m’étaient posées, explique Nshimiyimana.C’est la même réponse qu’il donnera à la défense qui se saisit aussitôt de ces différences comme d’une aubaine.Quand la parole lui est donnée, Simbikangwa se permet de dispenser une petite leçon de Droit : « Mesdames et Messieurs les jurés, ce qui est excessif est insignifiant. Le monsieur est venu ici pour une affaire que l'accusation n'a pas retenue ».Les faits de torture antérieurs à 1994 n’ont effectivement pas été retenus dans le dossier, parce que prescrits. Leur évocation n’a pour objet que d’éclairer la cour sur le contexte de l’affaire et le profil de l’accusé.Ce qui a d’ailleurs entraîné une certaine frustration au Rwanda, même si les autorités se sont réjouies de ce pas franchi par la justice française, 20 ans après le génocide.Les audiences se poursuivent et la cour devrait rendre son verdict à la mi-mars.FH