Espérance Nyirandegeya alias Mwamina, condamnée à la prison à vie pour sa participation au génocide des Tutsis de 1994, manque rarement à l’appel. Le corps moulé dans un pagne rouge-jaune, coiffée d’un fichu de même couleur, la quinquagénaire ondule sous les acclamations d’autres prisonniers et du personnel de l’établissement pénitentiaire. « Vive le Rwanda, vive l’unité des Rwandais », scande-t-elle., Son numéro terminé, elle s’éclipse pour revenir, quelques minutes plus tard, s’asseoir en spectatrice, après avoir troqué son pagne de scène contre l’habit rose des prisonniers du Rwanda.« J’ai failli à mes obligations de mère. Aujourd’hui, des femmes sont promues dans les organes de prise de décision, je suis jalouse et je regrette mes crimes », confie-t-elle, sans ambages, à l’Agence Hirondelle.D’abord jugée en 2003, cette ancienne comptable dans l’unique compagnie aérienne du Rwanda à l’époque, Air Rwanda, est condamnée en 2007 à deux ans de Travaux d’intérêt général (TIG), une peine alternative introduite par le Rwanda pour décongestionner ses prisons.Mais quelques mois plus tard, elle est ré-arrêtée à la suite de nouvelles accusations : planification du génocide, incitation à commettre le génocide, port illégal d’armes et uniforme militaires. Au terme de son nouveau procès devant un tribunal populaire gacaca de Nyamirambo, dans la ville de Kigali, elle est condamnée en 2009 à la prison à vie, une peine qui sera confirmée en appel. Elle n’a pas bénéficié de réduction de peine parce que la juridiction gacaca a jugé ses aveux non-exhaustifs. « J’ai été déçue, car dans mes aveux, j’avais tout déballé, je n’avais rien caché », dit-elle. Elle reconnaît avoir dirigé des expéditions contre des cachettes de Tutsis pendant le génocide, à Nyamirambo.Mais elle n’a pas encore baissé les bras. Elle soutient qu’en rejetant ses aveux, les juges gacaca l’ont confondue avec une autre Mwamina qui était institutrice. Elle a donc décidé de demander la révision du procès. Comme les gacacas ont déjà terminé leurs travaux, elle va déposer sa demande de révision devant le tribunal de base de Nyamirambo.Mais pour ses anciens voisins, elle a eu ce qu’elle méritait. «Ne me parle surtout pas d’elle ! Je la vois encore en uniforme militaire, armée d’un fusil. Elle a endeuillé pas mal de familles », réagit une ancienne voisine de Mwamina, dans le quartier Mumena dans la ville de Kigali. D’autres parmi ses anciens voisins disent manquer de mots pour décrire sa cruauté.Comment cette femme qui était mariée à un homme tutsi en est –elle venue à participer au génocide ? Aujourd’hui, dans ces aveux jugés partiels par ses juges, elle semble en rejeter la responsabilité sur son mari. « Il m’a abandonnée et m’a laissée à la merci des miliciens, je vivais avec eux, j’étais leur femme ». Dès les premières heures du génocide, le mari, un agronome de formation, s’était réfugié, avec leurs trois enfants, dans la préfecture de Butare (sud) où il travaillait. Aujourd’hui, il est consultant indépendant, à Kigali.En attendant que la justice classique se prononce sur sa demande de révision, Mwamina reste active à la PCK, prêchant l’unité, enseignant aux autres prisonniers et aux Rwandais en général, les valeurs rwandaises qu’elle reconnaît avoir foulées au pied en 1994. Le service social de la prison dit apprécier son dévouement et ses enseignements.SRE-ER