Aujourd'hui âgé de 62 ans, Younous Mahadjir est vice-président de l'Union des syndicats du Tchad (UST).
« J'ai été arrêté un jour de 1990, embarqué vers les locaux de la DDS (Direction de la documentation et de la sécurité, police politique du président Habré). Torturé, ligoté, je ne pouvais pas manger avec mes mains, mais directement avec la bouche comme le font les animaux », a-t-il raconté.
L'ancien président tchadien est poursuivi pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), un tribunal spécial créé au sein de la justice sénégalaise pour juger les principaux responsables présumés des plus graves violations du droit international commises au Tchad sous le régime Habré (1992-1990).
Younous Mahadjir intervenait lors d'une conférence sur la Justice transitionnelle organisée dans la capitale éthiopienne par la Fondation Hirondelle (suisse), les universités d'Addis- Abeba, d'Oxford, d'Havard et de Leipzig avec l'appui de l'ambassade de Suisse en Ethiopie.
Ces différentes institutions ont annoncé, lors de la conférence, un partenariat visant à lancer au début de l'année prochaine une plateforme globale sur la justice transitionnelle, JusticeInfo.Net.
Le survivant tchadien a expliqué que dans les cellules de la DDS, les victimes étaient notamment électrocutées aux parties génitales pour les hommes et aux tétons pour les femmes pour leur extorquer des aveux.
« J'ai rencontré plusieurs prisonniers dont certains étaient à bout de souffle ( …) Je n'ai vu passer aucun infirmier durant les 4 mois », a poursuivi le syndicaliste qui s'est porté partie civile dans l'affaire Hissène Habré. Il a affirmé que les détenus étaient délibérément affamés par les responsables de la DDS, ou étaient nourris de « riz pourri ».
« J'ai perdu 45 kilogrammes durant ma détention (…) Chaque jour des cadavres étaient enlevés des cellules », a-t-il relaté. Demandant que justice soit rendue, il a estimé que la principale revendication des victimes était de voir enfin Habré jugé et que la question de l'indemnisation viendrait par la suite.
Il n'a pas non plus épargné le successeur d' Hissène Habré, l'actuel président Idriss Deby, lui reprochant de ne pas avoir tenu ses promesses « de liberté et de démocratie ».
Abordant le procès ouvert au Tchad concernant 26 suspects, dont deux recherchés par les Chambres africaines, il a estimé que cette démarche de N'Djamena ne « sera qu'un simulacre de procès pour essayer de juger superficiellement ces tortionnaires avec, à la fin, des peines de prison très légères».
Pour lui, ces complices présumés de l'ancien président Habré feraient certainement des révélations impliquant Déby s'ils étaient jugés à Dakar. Il a enfin souhaité que l'actuel chef de l'Etat tchadien puisse être entendu au procès de son prédécesseur.
ER