Kigali, 12 mai 2015 (FH)- « Si jamais il renonce à un 3ème mandat, la vie du pays reprendra son rythme normal et je serai prêt à rentrer ».
Comme Jean Christophe Mbanzamihigo, réfugié au Rwanda, les violences des mois d’avril et de mai ont jeté sur le chemin de l’exil plusieurs milliers de Burundais. Tous ces réfugiés disent avoir fui les Imbonerakure, « ceux qui voient de loin », en langue burundaise, la milice redouté du président Pierre Nkurunziza .
Après une semaine de chasse à l’homme, Silas Nyagahinda, un petit fermier de la province de Ngozi, n’a eu d’autre choix que le chemin de l’exil. « Entre eux, ils se demandaient s’ils devaient me manger cuit ou grillé et s’arrangeaient pour que le message me parvienne », se souvient-il
Suite à de tels actes d’intimidation et de répression perpétrés par les forces de sécurité et ces jeunes Imbonerakure, à travers tout le pays à l’encontre des opposants au président Nkurunziza, plus de 35.000 réfugiés burundais ont été déjà accueillis dans des camps rwandais.
De simples menaces aux épreuves de force
Un refugié du camp de Mahama(est), un quinquagénaire de la région de Kirundo (nord), parle des miliciens imbonerakure comme des auxiliaires de la police qui agissent impunément. « On dirait qu’ils ont été mis sur pied pour remplacer la police. Au-delà de tout entendement, ils persécutent, arrêtent et torturent les opposants, sans s’inquiéter de rien comme ils étaient soutenus d’en haut », regrette-t-il.
Quant à Eric Nduwayo, un petit homme d’affaires, il a pris la fuite après deux semaines de chasse à l’homme, « de rafles nocturnes pour investigation…mais, en réalité, quelques infortunés étaient tués et noyés dans la Ruvubu (affluent de la rivière Akagera) » au nord-est du Burundi, se souvient-il.
Un journaliste, contacté par téléphone sur place à Bujumbura, affirme avoir vu, dans les quartiers de Kinindo et de Kanyosha, « des policiers » ouvrir le feu sans sommation sur des manifestants, faisant plusieurs blessés parmi eux. Selon la même source, plus tard dans la journée, un groupe d’Imbonerakure ont été aperçus, armés de fusils et de machettes à la poursuite de manifestants dans les mêmes quartiers.
De nombreux témoignages font état d’une vingtaine de morts et de nombreux blessés depuis le début des heurts, le 26 avril dernier, entre manifestants et les imbonerakure appuyés par la police. Les troubles ont suivi la décision du Président de se présenter à un troisième mandat en contravention de tous les engagements pris à Arusha, en Tanzanie, le 28 aout 2000 et même de la Constitution burundaise.
La situation empire après l’arrêt contesté de la cour constitutionnelle, le 4 mai dernier, validant sur des bases juridiques incertaines la decision de Pierre Nkurunziza de se presenter à un troisième mandat. Opposé a cette decision, le vice-president de cette institution prend le chemin de l’exil, dénonçant « des pressions énormes et même des menaces de mort »
Les imbonerakure s’en prennent aussi bien aux tutsis qu’aux hutus mais ils ne recrutent que des hutus. Innocent Sebagabo a fui les miliciens, de la province de Kirundo (nord), dont son propre frère ainé faisait partie. « Ils sont sélectifs, affirme-t-il, puisqu’il n’accepte pas d’éléments tutsis parmi eux ».
Le Président au cœur de la milice Imbonerakure
Selon plusieurs sources concordantes, l’ancien chef des services de renseignement, le lieutenant général Adolphe Nshimirimana, est le commandant en chef des imbonerakure, affiliés au parti présidentiel (CNDD-FDD). Dans un article republié fin mars dernier, Mpore Burundi, un organe indépendant, fait état de l’implication directe du président Nkurunziza dans le plan de déstabilisation des élections par les imbonerakure.
Non seulement, précise le media, « le 19 avril 2014 le Président de la République, Monsieur Pierre Nkurunziza rencontrait à Ngozi tous les représentants de la milice Imbonerakure à travers tout le pays », mais encore « en date du 25 septembre 2014, une distribution des armes a été effectuée au palais présidentiel » sous la supervision de Victor Burikukiye, Vice-président du parti présidentiel et du ministre de la Sécurité Publique.
Selon T.H, un enseignant du secondaire réfugié dans la capitale rwandaise qui ne veut donner que ses initiales, le noyau de la milice imbonerakure est fait de vétérans de l’armée, tous anciens combattants du CNDD-FDD à la tête duquel a combattu l’actuel président.
La mise en garde de l’ONU à l’endroit des autorités politiques est pourtant claire. La communauté internationale et notamment l’ONU s’inquiète de la dégradation de la situation au Burundi laissant craindre une guerre civile dans une région marquée par le génocide au Rwanda. « Si aucune mesure n'est prise et que de graves violations des droits de l'homme se produisent, ceux qui manipulent les jeunes affiliés aux partis politiques et incitent à la violence devront rendre des comptes devant la justice internationale », a déclaré le porte-parole de l'ONU, une allusion à peine voilée au Président burundais.
Prenant au sérieux des informations selon lesquelles des éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) profiteraient des troubles au Burundi pour s’infiltrer au Rwanda, Kigali, par le biais de la ministre rwandaise des affaires étrangères, en a appelé à une solution régionale à la crise burundaise. Aussi ce mercredi 13 mai, les chefs d’Etats de la Communauté est-africaine se rencontreront-ils à Dar-es-Salam, en Tanzanie, pour débattre des questions de la sécurité et de la crise burundaise.
Sehene Ruvugiro
Rwanda : les peurs des réfugiés burundais
Kigali correspondance
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