Un camion piégé a explosé jeudi dans un marché du quartier chiite de Sadr City à Bagdad faisant au moins 54 morts et des dizaines de blessés, dans un attentat revendiqué par le groupe extrémiste sunnite Etat islamique (EI).
Il s'agit de l'un des attentats les plus sanglants de ces derniers mois dans la capitale irakienne.
Il survient alors que le chef d'état-major de l'armée américaine sortant, le général Raymond Odierno, a estimé que la réconciliation en Irak devenait de plus en plus difficile et qu'une partition "pourrait être la seule solution" pour mettre fin à la difficile cohabitation entre les principales communautés du pays.
L'attentat, commis vers 06H00 (03H00 GMT), a dévasté un marché de fruits et légumes à un moment de grande affluence, faisant selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Saad Maan, au moins 54 morts et 100 blessés, dans un quartier chiite densément peuplé du nord de la capitale.
Les secouristes ramassaient des restes humains sur les lieux, selon un photographe de l'AFP. L'explosion a dévasté le marché, tuant également des chevaux qui tiraient des carrioles chargées de fruits et légumes, a-t-il ajouté.
- Une partition ? -
L'EI, qui avait déjà revendiqué lundi des attaques ayant fait 33 morts au nord de Bagdad, a salué dans un communiqué jeudi une "opération bénie qui a permis aux soldats de l'Etat islamique de faire exploser un camion piégé" à Sadr City.
Le représentant de l'ONU en Irak, Gyorgy Busztin, a dénoncé une "lâche attaque" et "un acte de terrorisme aveugle destiné à affaiblir la détermination du peuple irakien". Les Etats-Unis ont eux estimé que "ces atrocités montrent une nouvelle fois le mépris qu'éprouve l'EI pour les civils innocents".
Le président français François Hollande a condamné "de la façon la plus ferme le terrible attentat" et a réaffirmé au Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, "la solidarité de la France dans la lutte contre Daech (acronyme arabe de l'EI)".
Les attentats comme celui de Sadr City attisent les tensions en Irak et la colère de la communauté chiite, majoritaire dans ce pays.
Le général Odierno, qui fut le plus haut gradé de l'armée américaine en Irak (2008-2010) et doit prendre sa retraite cette semaine, s'est montré pessimiste lors d'une conférence de presse d'adieux mercredi à propos des tensions communautaires dans ce pays notamment entre chiites et sunnites.
Il a déclaré qu'une partition de l'Irak "est quelque chose qui pourrait arriver" et "pourrait être la seule solution". "Mais je ne suis pas encore prêt à l'affirmer", a-t-il ajouté. Interrogé sur une réconciliation en Irak, il a estimé que "cela devenait de plus en plus difficile chaque jour", prédisant un avenir dans lequel "l'Irak ne ressemblerait plus à ce qu'il était par le passé".
Le bureau du Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, a condamné les déclarations du chef d'état-major de l'armée américaine sortant: Il s'agit de "propos irresponsables qui reflètent une ignorance de la réalité irakienne".
Mais les divisions sont profondes entre les trois principales communautés: les Arabes chiites, les Arabes sunnites et les Kurdes. Les Kurdes ont déjà leur région autonome dans le nord du pays, les Arabes chiites se concentrent dans le sud et les Arabes sunnites à travers l'ouest, le nord et le centre du pays.
Les Etats-Unis, qui se sont retirés en 2011 d'Irak - après l'avoir envahi en 2003 - sont un partenaire clé de Bagdad dans la lutte contre les jihadistes de l'EI. Washington conduit une coalition qui mène des frappes aériennes contre le groupe extrémiste sunnite et entraîne les forces gouvernementales irakiennes.
- 'Sorte d'impasse' -
La lutte contre l'EI "se trouve dans une sorte d'impasse" mais les Etats-Unis continuent "de progresser", a ajouté le général Odierno.
L'EI a lancé en juin 2014 une offensive fulgurante au nord de Bagdad, s'emparant de larges pans du territoire irakien, comme dans la Syrie voisine où il a tiré profit de la guerre civile.
Fort de dizaines de milliers d'hommes, ce groupe accusé de crimes contre l'Humanité a recours à de multiples exactions - rapts, viols, décapitations, nettoyage ethnique - dans les régions sous son contrôle.
Les forces gouvernementales irakiennes, qui ont connu une déroute totale lors de l'offensive de 2014, cherchent à reprendre du terrain avec le soutien de la coalition mais n'ont jusqu'à présent reconquis que très peu de territoire.
Outre les forces gouvernementales et des milices chiites, les Kurdes participent aux combats contre le groupe jihadiste.
Le ministère allemand de la Défense, qui forme des combattants kurdes, a affirmé jeudi que des peshmergas avaient subi "il y a quelques jours" une attaque à l'arme chimique au sud-ouest d'Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan.
Il n'a cependant pas précisé qui était à l'origine de l'attaque, précisant que des spécialistes américains et irakiens allaient enquêter sur les lieux.
L'EI a été par le passé accusé d'avoir utilisé des armes contenant des gaz toxiques contre les combattants kurdes en Syrie.