Le président américain Barack Obama reçoit vendredi le roi Salmane d'Arabie saoudite pour sa première visite en qualité de souverain du royaume pétrolier, sur fonds de désaccords face aux conflits au Proche-Orient et sur le nucléaire iranien.
"Les deux nations sont des partenaires stratégiques proches malgré leurs différends et les deux Etats ont besoin l'un de l'autre", analyse Anthony Cordesman, du Centre américain d'études stratégiques et internationales.
C'est la première visite du roi saoudien à la Maison Blanche depuis son accession au trône en janvier. Présentée comme l'occasion de renforcer les relations et la collaboration entre les deux alliés, la rencontre sera en fait certainement dominée par leurs désaccords sur la Syrie, le Yémen et l'accord sur le nucléaire iranien annoncé le 14 juillet.
Témoin des réticences de Ryad sur cet accord avant même sa signature: le roi Salmane ne s'était pas rendu à un sommet organisé en mai à Camp David par Barack Obama pour tenter de rassurer les pays du Golfe, inquiets de l'influence croissante de l'Iran dans la région.
Cette absence avait été interprétée comme un signe de mécontentement même si officiellement, l'Arabie saoudite a finalement "bien accueilli" l'accord signé entre Téhéran et les grandes puissances.
L'ancien ambassadeur saoudien aux Etats-Unis Bandar bin Sultan s'est montré bien moins diplomatique, le qualifiant en juillet de pire que celui conclu en 1994 avec la Corée du Nord, violé à maintes reprises depuis.
Barack Obama n'a plus un besoin aussi urgent de décrocher le soutien de Ryad depuis qu'il s'est assuré, mercredi, d'une victoire au Congrès américain sur l'accord en ralliant suffisamment de promesses de votes. Mais la Maison Blanche aimerait toutefois convaincre l'Arabie saoudite de son bien-fondé, notamment parce que leur différend sur ce point a aussi exacerbé les tensions entre les deux pays sur d'autres sujets brûlants: les crises en Syrie et au Yémen.
- Nombre d'exécutions record -
"Le Royaume perçoit le conflit contre le régime de Bachar al-Assad, soutenu par l'Iran, comme une extension de la rivalité Perse-Arabe", analyse Simon Henderson, du Washington Institute for Near East Policy.
La Maison Blanche veut s'assurer que les deux pays "ont une vision commune", selon le conseiller de Barack Obama, Ben Rhodes. "Nous cherchons à isoler plus d'éléments extrémistes présents dans l'opposition, c'est une conversation permanente que nous maintenons avec l'Arabie saoudite", poursuit-il.
Ryad et Washington sont également en désaccord sur le Yémen. Si les Etats-Unis soutiennent la volonté de contrer les rebelles chiites Houthis, soutenus par l'Iran face aux loyalistes appuyés par l'Arabie saoudite, Washington a mis en garde à plusieurs reprises contre l'impact du conflit sur les civils.
"Il n'y a pas de solution militaire à la crise au Yémen", assure Jeff Prescott, responsable du Proche-Orient au Conseil national de sécurité, qui dépend de la Maison Blanche. "Nous avons enjoint tous les acteurs impliqués, y compris le gouvernement du Yémen, des membres de la coalition et d'autres, d'adopter des mesures pour permettre un accès humanitaire sans entraves à toutes les régions du Yémen", a poursuivi Jeff Prescott.
L'action de l'Arabie saoudite au Yémen et le "soutien" des Etats-Unis a suscité de vives critiques de l'organisation Human Rights Watch jeudi: "La campagne de frappes aériennes de Ryad contre les forces Houtis au Yémen, avec le soutien des Etats-Unis, a inclus des attaques aveugles et l'utilisation d'armes à sous-munitions qui pourraient constituer des crimes de guerre", a déclaré Sarah Leah Whitson, responsable du Proche-Orient pour l'organisation.
Après sept mois au pouvoir du nouveau roi, l'Arabie saoudite "continue d'exécuter des gens en nombre record" et de "discriminer systématiquement les femmes et les minorités religieuses", poursuit HRW, entre autres griefs, dans un communiqué.
L'influent éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, s'est lui chargé de dénoncer l'alliance avec l'Arabie saoudite, "le plus grand pourvoyeur d'islam radical", selon lui. "Et nous, les Etats-Unis, ne leur avons jamais demandé des comptes là-dessus car nous sommes accros à leur pétrole. Or les drogués ne disent jamais la vérité à leurs dealers", écrivait-il mercredi.