La justice française a émis mardi un avis défavorable à la demande d'extradition vers le Rwanda de Joseph Habyarimana, un Français accusé au Rwanda d'avoir participé au génocide de 1994, a-t-on appris auprès de son avocat.
Rendant sa décision en délibéré, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a suivi l'avis de l'avocate générale pour se déclarer défavorable à la demande d'extradition du Rwanda qui voulait le juger pour "complicité de génocide" et "crimes contre l'humanité", a indiqué à l'AFP son avocat, Ludovic Rivière.
Selon la loi française, le gouvernement est lié par l'avis défavorable de la chambre et ne peut donc pas extrader M. Habyarimana.
Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), association à l'origine de la plupart des plaintes en France contre de présumés génocidaires, a critiqué ce nouveau rejet de la justice française d'une extradition d'un suspect de génocide au Rwanda.
"La France ne répond jamais positivement aux demandes d'extradition du Rwanda, alors que tous les autres pays le font", a regretté auprès de l'AFP Alain Gauthier, président du CPCR.
M. Gauthier espère dorénavant qu'un procès ait lieu en France. "Près de trente plaintes ont été déposées en France mais il y a eu un seul procès en vingt ans", a-t-il regretté, soulignant les lenteurs de l'instruction en France.
Joseph Habyarimana, qui vit à Toulouse, est accusé d'avoir co-organisé l'élimination de Tutsi à Gihingamuyaga, dans la région de Butare. Il était alors directeur de l'étainerie (atelier de fabrication d'objets en étain) du monastère de Gihindamuyaga.
Selon le CPCR, qui a porté plainte contre lui en 2011, il aurait eu une responsabilité dans l'assassinat des moines tutsis de ce monastère, dans le massacre de réfugiés et d'actes de génocide dans un centre de santé d'un couvent.
A l'audience, le 9 juin, l'avocate générale, Florence Galtier, avait invoqué la "non rétroactivité des lois" pour émettre un avis défavorable à son extradition. Le Rwanda souhaite en effet le juger pour "complicité de génocide" et "crimes contre l'humanité", alors qu'il n'existait pas de peine incriminant le crime de génocide dans ce pays en 1994.
"C'est un argument complètement dépassé. Dans ce cas-là, on n'aurait jamais eu un procès (Maurice) Papon ou (Klaus) Barbie", condamnés en France pour crimes lors de la Seconde guerre mondiale, a estimé M. Gauthier.
Entre avril et juillet 1994, quelque 800.000 personnes avaient été tuées au Rwanda, essentiellement parmi la minorité tutsi. Les massacres avaient débuté juste après l'attentat du 6 avril 1994 qui avait tué le président Juvénal Habyarimana, avec lequel Joseph Habyarimana n'a aucun lien de parenté.