"Les chemins arides", qui sort en salles mercredi, est le premier documentaire qui aborde le rôle de "Justes" ayant sauvé des Arméniens durant le génocide de 1915-1916 dans l'Empire Ottoman qui deviendra l'actuelle Turquie.
"Faire un parallèle entre la grande Histoire, celle avec un grand H, et la petite histoire, celle de ma famille". Telle est l'intention de l'auteur du film, Arnaud Khayadjanian, descendant d'un rescapé arménien. Selon le récit transmis de génération en génération, son arrière grand-père a été recueilli par un paysan alors qu'il fuyait les militaires ottomans.
Ce film contemplatif retrace le périple du réalisateur qui dit être le premier de sa famille à revenir sur les lieux où a vécu son ancêtre. Les échanges avec les personnes croisées sur sa route sont entrecoupés de séquences de marche à travers les chemins rocailleux et humides qui relient les villes d'Erzincan et de Kemah à l'Est de la Turquie.
Un itinéraire décrit dans le film comme celui emprunté par "le convoi des déportés qui ont été précipités au bout de leur périple dans l'Euphrate", principal fleuve de l'Asie Mineure.
Le ministère turc de la Culture a donné son accord pour que le film soit tourné sur son territoire, une première pour un tel sujet selon le cinéaste, mais à la condition que l'équipe de tournage soit escortée par "des gendarmes et un petit véhicule blindé". "Les autorités turques nous ont dit que c'était une protection mais cette présence a rendu plus difficile le contact avec les locaux qui étaient apeurés", rapporte Arnaud qui a dû revoir son casting suite aux nombreux désistements.
"Parler de cette période est sensible pour les Turcs car une loi interdit de parler de génocide (NDLR: l'article 301 du Code Pénal turc)", regrette Arnaud Khayadjanian. Un tableau d'Aimé-Nicolas Morot, "Le Bon Samaritain", accompagne le réalisateur tout le long du parcours. Il sert d'intermédiaire avec les habitants qu'il rencontre, symbolisant "l'entraide sans distinction".
"Dans certains endroits, les gens sont conscients de vivre dans des villages autrefois peuplés par des Arméniens, mais ils s'en tiennent aux histoires racontées par leurs aïeux qui disent que les massacres ont eu lieu des deux côtés", relate Arnaud Khayadjanian.
Selon le cinéaste, "les Justes sont complètement mis à part car d'un côté les Turcs ne reconnaissent pas le génocide, et de l'autre les Arméniens préfèrent parler des victimes", au nombre de 1,2 million selon la plupart des historiens. Il déplore qu'il n'y ait aucun chiffre sur le nombre d'Arméniens sauvés par des Justes pendant cette période de l'Histoire.