Un rapport des Nations unies sur les crimes au Sri Lanka lors de l'écrasement de la rébellion des Tigres tamouls désigne mercredi les forces gouvernementales comme responsables de l'exécution en 2006 de 17 employés de l'ONG française ACF (Action contre la faim).
"Sur la base des informations rassemblées, il y a des fondements raisonnables pour croire que des membres des forces de sécurité ont commis l'exécution extrajudiciaire du personnel d'ACF", affirme ce rapport publié mercredi à Genève.
C'est la première fois que l'ONU désigne ainsi un responsable dans ce drame.
"On se réjouit et on est particulièrement soulagés et heureux des résultats de cette enquête qu'on a attendue près de dix ans", a réagi auprès de l'AFP Pauline Chetcuti, l'une des responsables de l'ONG. "La publication de ce rapport est un moment important pour la justice internationale et la lutte contre l'impunité dans le monde" a-t-elle ajouté.
Suite à ce rapport, le Haut Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Zeid Ra'ad Al Hussein, a appelé à la mise en place d'un tribunal spécial associant juges locaux et internationaux pour juger les crimes commis au Sri Lanka lors du conflit, une avancée dont se félicite l'ONG. "Les autorités judiciaires sri-lankaises ne sont pas capables aujourd'hui de poursuivre les auteurs de ces crimes. Il y a une culture de l'impunité. Les témoins sont mis sous pression et menacés", affirme Pauline Chetcuti.
En 2013, ACF avait accusé les forces de l'ordre sri-lankaises d'être responsables de l'assassinat de dix-sept de ses employés locaux et accusé le pays de les avoir protégées, dans un rapport accablant. Considérant que la police sri-lankaise avait "échoué à conduire une enquête efficace et rigoureuse", l'ONG réclamait une enquête internationale indépendante.
Le 4 août 2006, ces employés avaient été tués dans leurs locaux à Muttur, dans le nord-est du Sri Lanka, alors que les combats faisaient rage entre l'armée gouvernementale et les rebelles des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE).
Le drame de Muttur est "l'un des plus grands crimes contre le travail humanitaire" jamais commis, avait dénoncé Mike Penrose, le directeur de l'ONG. "Ce n'est pas simplement 17 personnes tuées dans une zone de guerre. C'est 17 personnes retrouvées dans nos locaux avec une balle dans la tête. C'est un assassinat", avait-il dit.
Agés de 23 à 54 ans, les quatre femmes et treize hommes étaient des spécialistes de la sécurité alimentaire, de l'assainissement de l'eau ou des chauffeurs.
"Nous pensons aux familles des victimes qui voient leurs situations reconnues et nous espérons que ça leur apportera un peu de soulagement", a commenté Mme Chetcuti. ACF appelle la communauté internationale à rester mobilisée et milite pour la création d'un poste de Rapporteur spécial aux Nations unies pour la protection des travailleurs humanitaires.