La police politique au Tchad sous Hissène Habré était entièrement aux ordres du chef de l'Etat, qui "était au courant de tout", a témoigné mercredi un ancien responsable de ce service au procès du président déchu devant un tribunal spécial africain à Dakar.
"Les fiches d'audition des détenus revenaient de la présidence avec des annotations: E-Exécuter. L-libérer. V-vu", a expliqué Bandjim Bandoum, ancien chef de service à la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique du régime).
"Une fois une fiche établie par la DDS sur un prisonnier, seul le président pouvait demander une libération", a-t-il souligné.
"Hissène Habré était au courant de tout ce qui se passait" à la DDS, a-t-il assuré, précisant qu'il a "gratifié personnellement des agents à la suite d'opérations spéciales" de répression dans le sud du pays.
Sous son régime (1980-1982) "les agents de la DDS qui contestaient les ordres risquaient pour leur vie et celle de leur famille", a ajouté Bandjim Bandoum, actuellement en exil en France.
"Même les plus proches collaborateurs de Hissène Habré avaient peur de lui", a-t-il insisté.
Un des avocats commis d'office pour défendre le prévenu, Me Mbaye Sene, a mis en doute l'omniscience du chef de l'Etat sur les actes de ses subordonnés, tentant d'accréditer, dans son interrogatoire du témoin, la thèse d'une autonomie des chefs de la DDS.
"Si vous n'êtes jamais allé à la présidence, que vous ne lui avez jamais parlé, dites-moi comment Hissène Habré vous a donné des ordres?", lui a lancé Me Sène, se déclarant "satisfait" d'entendre Bandjim Bandoum lui répondre que les instructions lui parvenaient par son supérieur direct.
Depuis l'ouverture des débats, Hissène Habré refuse de s'exprimer devant les Chambres africaines extraordinaires, tribunal spécial créé en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA), qu'il récuse.
L'accusé a demandé aux défenseurs qu'il a choisis de boycotter le procès et ne collabore pas avec les trois avocats commis d'office.
En détention depuis deux ans au Sénégal, où il a trouvé refuge en décembre 1990 après avoir été renversé par le président Deby Itno, il est poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture", et encourt jusqu'aux travaux forcés à perpétuité.
La répression sous son régime a fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne.