Le conflit entre la guérilla du Sentier lumineux et l'Etat au Pérou a provoqué la disparition d'au moins 15.000 personnes des années 1980 à 2000, essentiellement des paysans dont les proches demandent la création d'un organisme dédié à leur recherche.
Sous le slogan "Réunissez-nous, des familles qui cherchent", les parents de victimes ont lancé une campagne exigeant que la recherche et l'identification des disparus de ces années noires s'accélèrent.
Selon eux, au rythme actuel, le parquet mettra un demi-siècle à retrouver les victimes anonymes de ce conflit inhumées dans des fosses clandestines.
"Nous voulons que le gouvernement promulgue une loi sur la recherche des disparus au Pérou, pour disposer d'une institution dotée du personnel idoine et d'un budget pour accélérer les exhumations", a expliqué à l'AFP Luis Aronés, dirigeant de la Commission nationale des victimes de violence politique, à l'origine de cette initiative soutenue par l'Eglise catholique, des organismes de défense des droits de l'homme ou encore la Croix Rouge internationale.
L'objectif est de retrouver les victimes, de les identifier et de leur accorder une sépulture, afin de mettre un terme à des décennies d'incertitude pour leurs proches.
La création d'un organisme dédié permettrait de travailler plus vite et d'établir un chiffre officiel du nombre de disparus, comme le réclament les Nations unies. Les 15.731 disparus recensés à ce jour ont été comptabilisés par le parquet, qui a compilé des données en provenance de différentes sources.
- Critiques de l'ONU -
"Le projet demande d'accorder la priorité aux objectifs humanitaires par rapport au judiciaire, et de créer une entité chargée" des recherches, renchérit Rafael Barrantes, responsable du programme sur les personnes disparues au Comité international de la Croix Rouge au Pérou.
"Ce concept se concentre sur la douleur des proches, il ne s'intéresse pas au motif de la disparition, il ne se centre pas sur l'attribution de responsabilités, mais sur les conséquences : il y a une famille qui ne sait pas ce qu'il est advenu d'un être cher", a-t-il détaillé.
Plus de 60.000 proches de victimes de "la guerre populaire" lancée par la guérilla maoïste du Sentier lumineux en 1980 contre l'Etat participe à cette campagne.
Les affrontement avec l'armée ont fait plus de 69.000 morts, pour la plupart des paysans des régions andines éloignées de la capitale, Lima, selon les conclusions d'une Commission vérité et réconciliation (CVR) datant de 2003.
D'après les initiateurs de la campagne "Réunissez-nous", lancée notamment sur les réseaux sociaux pour tacher d'éveiller les consciences, le pays compterait plus de 6.462 fosses communes clandestines.
"Il y a un projet de loi prêt depuis fin 2014, rédigé en concertation avec le ministère de la Justice, des proches de disparus, le parquet et la société civile", mais il n'est toujours pas discuté, a regretté M. Aronés, dénonçant un manque de volonté politique.
Le problème des disparus au Pérou a attiré l'attention de l'ONU : une mission de travail envoyé en juin dans le pays a critiqué l'absence de chiffre officiel sur le nombre de disparus et l'armée a été appelée à coopérer dans les recherches.
Les conclusions détaillées de la mission seront dévoilées en mars 2016.
La pression sur le gouvernement du président Ollanta Humala, un ancien militaire, pour qu'il mette en place un programme d'identification des disparus s'est accrue en 2013 quand les églises catholique et évangéliques ont demandé conjointement avec la Croix Rouge des actions concrètes.
Le Défenseur du peuple, Eduardo Vega, a également affirmé ce mois-ci que les efforts du ministère public pour extraire et identifier les restes gisant dans plus de 4.000 fosses clandestines déjà répertoriées restent insuffisants.
"Cela n'est dû seulement à la quantité d'ossements récupérés (...) mais aussi à l'absence de mécanismes efficaces pour collecter les informations", a-t-il souligné.
Les signalements de disparitions ont eux constamment augmenté depuis les premiers travaux de la CVR au début des années 2000, à mesure que les craintes de représailles sur les proches se sont dissipées avec le temps.