Réfugiés : où est passée la solidarité internationale?

Réfugiés : où est passée la solidarité internationale?©Andras D.Hajdu/IRIN
Réfugiés à la frontière serbe
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Il est encourageant de constater que notre capacité à faire preuve d’humanité se manifeste enfin, grâce à la générosité des Allemands, des Serbes, des Autrichiens et de citoyens européens particuliers, notamment les Grecs et les Italiens, envers les réfugiés qui continuent d’affluer en Europe. A l’instar du Liban, de la Jordanie, de la Turquie et de l’Égypte, ces pays et ces individus montrent fièrement l’exemple.

 

Nos dirigeants commencent aussi à écouter leurs électeurs et à remettre en question les propos qui s’élèvent contre l’immigration.

 

Le discours narratif décrivant les réfugiés et les migrants comme des terroristes, des criminels et des voleurs d’emplois commence enfin à changer pour laisser place à un tableau beaucoup plus proche de la réalité, à savoir que les flux de réfugiés et les migrations procurent aux pays d’accueil et d’origine de nets avantages économiques et sociaux. Par ailleurs, il est évident que les pays européens et d’autres économies développées doivent ouvrir leurs portes à l’immigration afin de combler leurs besoins actuels et futurs en main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée.

 

Ces signes sont, certes, encourageants, mais ce n’est pas suffisant!

 

Où est passée la solidarité internationale? Pourquoi les réfugiés, les migrants, les pays d’accueil et d’autres estiment-ils que l’Europe soit la seule et unique destination pour ces masses dans le besoin? Le problème étant d’ordre international, c’est la communauté internationale tout entière qui doit en assumer la responsabilité. Tous les pays doivent faire partie de la solution, et il faut réanimer la solidarité internationale, car tout le monde en profitera.

 

Tout d’abord, plaçons le problème dans son contexte : ne perdons pas de vue l’ensemble des tendances migratoires à long terme dont la vague actuelle ne constitue qu’un pic temporaire. immvent contre ln question leursix qui s'gir en conséquence de ce que leur disent les électeurs et à remettent en question leurs

 

N’oublions pas que ce n’est pas la première fois que nous faisons face à un exode de réfugiés d’une telle envergure, si on se souvient des boat-people vietnamiens dans les années 80.

 

A partir de 1975, ils ont été des milliers à s’aventurer sur la mer pour atteindre les côtes de pays voisins dans l’espoir de poursuivre leur périple jusqu’aux États-Unis, au Canada ou vers d’autres pays prêts à les recevoir. Des milliers ont péri en cours de route, les passeurs se sont remplis les poches et les pays de premier asile ont fermé leurs frontières ou étaient sur le point de le faire. La lassitude chez les donateurs s’est rapidement installée.

 

A l’époque, le problème semblait aussi insurmontable qu’aujourd’hui. Et pourtant… Un dynamique groupe d’employés du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a proposé une solution, le plan d’Action Globale, qui fut approuvé lors d’une conférence internationale en 1989. Ce plan a mis fin à un drame qui a mené à la mort et à la souffrance de nombreuses personnes et créé un processus clair qui distinguait mieux les chercheurs d’asile des migrants économiques. Par ailleurs, des procédures ont été établies pour la réinstallation de réfugiés reconnus comme tels et le retour, dans des conditions humaines, des migrants économiques ne prétendant pas au statut de demandeurs d’asile.

 

Ce mécanisme a rassemblé les pays concernés et la communauté internationale au sens large et a donné lieu à la réinstallation de milliers de réfugiés sur sept ans. Ces gens sont devenus des membres productifs des sociétés qui les ont accueillis.

 

C’est un excellent exemple de ce qui peut être accompli lorsque la volonté et les moyens sont réunis pour assurer, dans des conditions humaines et dignes, protection et aide à ceux qui fuient leur pays. Mais, pour que cette même approche réussisse aujourd’hui, il faudrait prendre un certain nombre de mesures, qui vont au-delà de la tenue urgente d’une conférence internationale. Il faudrait :

 

  • Rapidement mettre en place des centres de réception et de filtrage dans les pays de transit stratégiques, comme la Turquie, la Grèce, l’Italie, voire la Tunisie (possiblement la Libye lorsque les conditions le permettront), avec le soutien opérationnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui se chargeraient ensemble de les faire fonctionner, de filtrer les réfugiés et les migrants et de traiter leurs demandes.
  • Le retour à des procédures claires et universelles afin d’établir le statut des réfugiés, faciliter leur réinstallation ou le retour des migrants économiques dans les pays d’origine, tout en leur fournissant une assistance.
  • L’augmentation temporaire d’opérations de recherche et de sauvetage dans des zones précises de la Méditerranée.
  • La mise en place de programmes coordonnés et forts visant à stopper les réseaux de passeurs (il est difficile de croire que l’Union européenne et les pays du bassin méditerranéen ne peuvent pas mettre fin à ces crimes odieux).
  • Négocier des accords avec les pays d’origine des personnes dont il a été établi qu’il s’agit de migrants économiques, lorsque leur retour est possible et peut se faire en toute sécurité, et soutenir leur réintégration (avec de l’assistance adéquate de la part de donateurs).
  • Un engagement mondial de financer la création et le fonctionnement des centres, de financer des opérations améliorées de recherche et de sauvetage, d’aider à financer de façon significative les coûts des premiers pays d’accueil comme le Liban, la Jordanie, la Turquie, la Grèce et l’Italie (au risque de voir des milliers de personnes supplémentaires prendre la route de l’Europe) et de créer et de financer des interventions améliorées et ciblées sur le développement dans les pays d’origine des migrants économiques.
  • L’établissement d’une campagne d’information massive ciblant les demandeurs d’asile potentiels et les migrants économiques afin de leur expliquer les procédures en voie d’être mises sur pied et les risques qui accompagnent la décision de quitter leur pays (y compris la possibilité d’être renvoyé dans le pays d’origine si le statut de réfugié est refusé).
  • Changer de façon proactive le discours narratif concernant les réfugiés et les migrants dans les pays d’accueil actuels et potentiels en se fondant sur des faits sociaux et économiques.

 

Bien appliquées, ces actions pourraient démontrer que les intérêts nationaux et personnels, l’humanité et la solidarité internationale peuvent être réunis pour en arriver à une solution gagnante pour tous.

 

Mais tout ceci prendra du temps et ne permettra que de traiter du problème immédiat auquel nous faisons face.

 

Comme je l’ai mentionné au début, la situation d’aujourd’hui doit tenir compte d’un contexte beaucoup plus large. Le HCNUR a été créé pour apporter protection et aide aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. L’agence est actuellement dépassée par les événements, elle est sous financée et parvient à peine à gérer les besoins actuels. L’OIM, une agence active principalement sur le plan de l’assistance technique, qui ne fait pas partie de l’actuelle structure onusienne mais qui en est un partenaire solide, fait aussi face à un manque de ressources.

 

Hormis le Forum mondial sur la migration et le développement, dont l’organisation n’est pas optimale, il n’existe aucune structure internationale formelle capable de proposer des politiques et d’explorer les conséquences à long terme qui seront le résultat des futurs flux de victimes de calamités naturelles (liée aux changements climatiques) ou résultant d’activités humaines. Ces calamités vont d’ailleurs faire partie de notre vie quotidienne, beaucoup plus que l’on ne puisse le penser.

 

Jusqu’à ce qu’une telle entité soit créée, nous devons donner à Sir Peter Sutherland, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la migration et le développement, le mandat et les ressources pour sensibiliser la communauté internationale à partir des leçons tirées du passé et des situations actuelles afin de mieux se préparer pour un avenir difficile.

 

Il est urgent de créer une telle entité. Pour commencer, nous pourrions envisager de mieux intégrer les travaux du HCNUR et de l’OIM, assortie d’une modification concomitante de leurs mandats respectifs pour prendre en charge la responsabilité de proposer, avec l’aide de partenaires du développement, de nouvelles politiques mondiales à long termes axées sur le traitement des flux futurs.

 

Le prochain Sommet sur l’aide humanitaire, qui se tiendra à Istanbul l’année prochaine, serait l’endroit idéal pour entamer cette discussion, voire prendre une décision sur le sujet. Tout comme la rencontre imminente qui va se tenir à New York dans quelques jours, en marge de l’Assemblée générale, ou la rencontre à La Valette en novembre des chefs d’État de l’Europe et de l’Afrique afin de discuter du flux de réfugiés et des migrations.

 

La relation actuelle entre l’aide au développement et l’aide humanitaire doit aussi changer. L’aide au développement doit être revue afin de s’attaquer aux principales causes des problèmes humanitaires et tenir compte de certaines des activités de développement actuellement assumées par les agences humanitaires, ce qui a un impact sur les fonds dont elles disposent pour des besoins humanitaires particulièrement sérieux. Le Haut-Commissaire pour les réfugiés, Antonio Guterres, soutient vivement cette thèse et doit pouvoir compter sur tout le soutien possible.

 

Enfin, tout ce que j’expose doit s’articuler autour des différents cadres stratégiques que le monde adoptera, ou a adopté, cette année. Les Objectifs du développement durable (ODD), l’accord sur les changements climatiques et l’accord sur la réduction des risques de catastrophes naturelles – tous vont définir un programme commun pour les dirigeants de la planète au cours des prochaines années et former le cadre selon lequel les crises futures devront être examinées et traitées. Si nous mettons en œuvre avec succès les 17 ODD, nous serons éminemment mieux placés que nous ne le sommes actuellement pour faire face aux enjeux futurs liés aux réfugiés et aux migrations.

 

Si nous n’agissons pas, rappelez-vous que Rchacun d’entre nous pourrait, un jour, se retrouver victime d’un désastre naturel ou lié à l’activité humaine et chercher refuge ailleurs. L’empathie et la générosité dont nous ferons preuve aujourd’hui augmenteront considérablement nos chances d’en bénéficier nous-mêmes si des catastrophes devaient nous frapper à l’avenir.