Plus d'un millier de personnes ont assisté vendredi au lancement d'une coalition composée de ténors de la majorité et de l'opposition contre le chef de l'État ivoirien, Alassane Ouattara, seul candidat d'envergure déclaré avant la présidentielle d'octobre, a constaté l'AFP.
Treize cadres de la politique ivoirienne, dont l'ex-Premier ministre Charles Konan Banny (majorité) et l'ancien président de l'Assemblée nationale Mamadou Koulibaly (opposition), étaient présents au premier meeting de la Coalition nationale pour le changement (CNC), dans un hôtel d'Abidjan.
"Nous sommes (...) pour des élections transparentes, nous ne sommes pas contre quelqu'un", a déclaré à la presse M. Koulibaly, interrogé sur le caractère "anti-Ouattara" de cette coalition, qui selon lui "va battre" le président sortant.
"La priorité de la coalition est de dire au gouvernement qu'il va falloir négocier les conditions (des élections) et puis nous dirons quels seront nos candidats", a-t-il insisté.
La charte de la CNC, qui exige "la libération des prisonniers politiques, notamment du président Laurent Gbagbo" et "la dissolution de l'actuelle Commission électorale indépendante (CEI)", a été lue aux militants, qui ont longuement scandé "Libérez Gbagbo !"
L'ex-président ivoirien est emprisonné depuis plus de trois ans à La Haye, en attente de son procès pour "crimes contre l'humanité" le 10 novembre devant la Cour pénale internationale.
Plus de 3.000 personnes sont mortes durant la crise post-électorale de 2010-2011, liées à son refus de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara.
La coalition critique la composition, selon elle trop pro-Ouattara, de la CEI, organisatrice du scrutin, ce que les autorités nient. Elle dénonce également l'utilisation des médias publics comme des "caisses de résonance du pouvoir".
"Ouattara ne pourra faire le dos rond sur ces revendications, à moins de vouloir passer en force, ce qui serait mal vu par la communauté internationale", observe l'analyste Jean Alabro, pour qui la coalition met à "risque" la réélection du président sortant pourtant présentée comme acquise par le régime.
Outre MM. Banny et Koulibaly, Bertin Konan Kouadio dit KKB, un député du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI - majorité) et Aboudramane Sangaré, un "frondeur" du Front populaire ivoirien (FPI - opposition), étaient présents au meeting.
"Il ne faut pas croire que Banny est esseulé. Mamadou Koulibaly a un électorat de jeunes. Les frondeurs du FPI ont le leur. Le challenge sera d'unifier ces différents électorats. Les attentes sont très fortes. Il faut voir comment ils les transformeront", juge M. Alabro.
Opposés l'un à l'autre sur l'échiquier politique, FPI et PDCI sont en proie à de fortes divisions internes.
Un nombre croissant de militants du FPI conteste l'autorité du président du parti, Pascal Affi N'Guessan, qui souhaite conduire la principale formation de l'opposition à la présidentielle.
Fin avril, ses opposants en interne ont nommé Laurent Gbagbo "président" de cette formation qu'il a créée et ont radié M. N'Guessan, qui ne reconnaît pas ces décisions.
Au PDCI, quatre "frondeurs", dont Charles Konan Banny et Bertin Konan Kouadio, s'opposent à la stratégie visant à ne pas présenter de candidat en octobre afin d'assurer la victoire d'Alassane Ouattara.
Seul le Rassemblement des républicains (RDR), la formation d'Alassane Ouattara, présente un visage unifié à cinq mois de l'élection, qualifiée de cruciale pour la décrispation en Côte d'Ivoire, qui sort d'une décennie de crise politico-militaire.
"Les élections de 2010 ont créé un tel traumatisme que la peur s'est installée dans nos rangs", commente Bertin Konn Kouadio, qui voit dans la CNC "un instrument de combat (...) pour faire renaître l'espoir".