Mascarade, roublardise, consultations entre amis, manœuvre grossière,…C’est dans ce registre que puisent les adversaires de Catherine Samba-Panza pour qualifier la série de rencontres entamées lundi par la présidente centrafricain de transition suite à la nouvelle flambée de violences de septembre dernier à Bangui.
Pendant ce temps d’anciens rebelles menacent de marcher sur la capitale depuis le nord du pays.
Rentrée précipitamment de New York après les affrontements intercommunautaires qui avaient fait une soixantaine de morts dans la capitale, Catherine Samba-Panza avait tenté de calmer la situation en annonçant, début octobre, une large concertation avec « les forces vives de la Nation ». Des membres de la classe politique et de la société civile étaient montés au créneau pour réclamer haut et fort sa démission et avaient dénoncé comme irréaliste le calendrier prévoyant la tenue d’élections législatives et présidentielle avant la fin de l’année.
Accompagnée de membres de son gouvernement, Catherine Samba - Panza, a donc rencontré lundi plusieurs responsables administratifs, dont les maires d’arrondissements, comme le rapporte Ndeke Luka. « Le planning de la Concertation tel qu'arrêté par la Présidence et rendu public le 07 octobre 2015, prévoit à compter de ce lundi et ce jusqu'au (samedi) 17 du mois, des rencontres de Catherine Samba-Panza avec les représentants des différentes entités », avait précisé un communiqué de la présidence diffusé pendant le week-end.
Dans son allocution d’ouverture, la présidente de transition a souligné que des efforts avaient été déployés en vue de réhabiliter les Forces armées centrafricaines (FACA), répondant ainsi à l’une des principales exigences actuelles de nombre de ses concitoyens. Les contestataires qui réclamaient sa démission lors du mouvement de fin septembre à Bangui exigeaient notamment la remise en selle des FACA, accusant d’inaction les forces internationales déployées dans le pays.
Pour sa part, le Premier ministre Mahamat Kamoun a tenu à minimiser l’impact de la démission, la semaine dernière, du président de l’Autorité nationale des élections (ANE), Dieudonné Kombo-Yaya, qui a jeté l’éponge en dénonçant « des pressions » imposant à son institution un chronogramme irréaliste pour la tenue des élections. Selon le Premier ministre, l’essentiel du coût des opérations électorales est déjà réuni.
Bangui hésite à remettre en question les exigences de ses principaux partenaires internationaux qui demandent que les élections se tiennent avant la fin de l’année alors que de nombreuses voix centrafricaines plaident pour un report en vue d’une meilleure préparation.
« Nous disons non à cela »
Dès l’entame des consultations au Palais présidentiel, les adversaires du gouvernement de transition ont crié au parjure. « Au lendemain des événements du 26 septembre, l'intention du Chef d’État de Transition était d'organiser un dialogue inclusif. L’'initiative a été unanimement et favorablement accueillie par tous, y compris par les résistants, les auto-défense, les Antibalaka. Malheureusement, le gouvernement a commencé à prendre des décisions regrettables. Au lieu d'ouvrir un dialogue inclusif, la présidence de la République vient de publier un programme de consultation à la ''roublardise''. Nous nous inscrivons en faux et répondrons absent à cette mascarade », a déclaré Igor Béranger Lamaka, porte-parole du mouvement Antibalaka.
Abdoulaye Hissein, coordinateur du Front populaire pour la renaissance de Centrafrique (FPRC), une branche de l’ex-coalition Séléka (milice rivale des Antibalaka), avait tenu la veille des propos similaires. « J'ai l'impression que c'est une consultation entre amis. Tous les concernés, tous les leaders ne sont pas conviés à cette concertation. Nous ne sommes pas conviés, notre position est claire : le but de cette consultation est de proroger la transition, nous disons non à cela et il faut que cette transition prenne fin ».
La Concertation élargie des plateformes, partis, associations politiques et personnalités politiques indépendantes, qui affirme regrouper la majorité de la classe politique du pays, a aussi annoncé qu'elle n’irait pas à ce rendez-vous. Pour Maître Crépin Mboli-Goumba, porte-parole de cette Concertation, le programme, tel qu’annoncé par la présidence, contourne les vrais acteurs de la crise centrafricaine. « Le conseiller politique, porte-parole de la Présidence a annoncé et décliné le planning de cette concertation, en réalité, une consultation avec certaines filles et certains fils de ce pays. Aussitôt après, nous nous sommes réunis et nous avons publié un communiqué pour opposer une fin de non- recevoir à cette mascarade. Parce que la manœuvre est grossière. Ce planning laisse entrevoir la volonté du régime de transition de ne pas discuter avec les vrais acteurs de notre pays », a-t-il déclaré.
Bruits de bottes dans le nord
Joint au téléphone lundi par Radio Ndeke Luka, le ministre- conseiller à la présidence de la République, Clément Anicet Guiyama Massogo, a regretté ces prises de position. « Quand il y a un problème dans un pays, la moindre des choses c'est de se retrouver pour en discuter. La concertation est permanente », a dit le ministre. « Comme le Forum (de Bangui, en mai dernier : ndlr) l'avait recommandé, une décision des chefs d’État de la CEEAC (Communauté économique des Etats d’Afrique Centrale) l'a entériné, il faut faire les élections d'ici le 31 décembre 2015. Nous avons dit que le Chef d’État veut que la transition finisse dans le délai qui est prescrit », a réitéré le bras doit de Catherine Samba-Panza.
Alors que la cacophonie bat son plein à Bangui, des bruits de botte sont entendus dans la région de Sibut, à environ 180 kilomètres au nord de Bangui, où, selon les forces internationales ont, selon le gouvernement, mis en déroute le week - end, des éléments du FPRC qui avaient quitté il y a deux semaines leur position de Kaga Bandoro, déterminés à marcher sur Bangui. Dans un communiqué publié lundi, la Mission des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA), se dit « vivement préoccupée par l’infiltration organisée d’éléments de plusieurs groupes armés à Bangui, dont le Front Populaire pour la Renaissance de Centrafrique (FPC) et les Antibalaka et condamne de manière énergique toute tentative de déstabilisation de la capitale ». La Mission de l’Onu « rappelle que la priorité de son mandat, tel que défini par la résolution 2.217 du Conseil de Sécurité, est d’assurer la protection des civils contre toute menace de violence physique ». « En plus, la résolution autorise la MINUSCA à prendre toutes mesures nécessaires pour mettre en œuvre son mandat, conformément à ses ressources et à sa présence sur le terrain », ajoute le texte.
Mais les Centrafricains sont de plus ne plus nombreux à affirmer que ces troupes internationales ne s’acquittent pas de leur mandat.