A Gori, théâtre en 2008 de la guerre russo-géorgienne, l'annonce de l'ouverture d'une enquête par la Cour pénale internationale (CPI) a été accueillie avec espoir par les victimes des bombardements russes.
Comme par Tsitsino Vazagachvili, 76 ans, qui attend toujours "qu'ils soient jugés". "Ils", ce sont les Russes, responsables à ses yeux, de la mort de sa fille Maïa.
Le 9 août 2008, une bombe russe explose dans le quartier. Maïa, 42 ans, meurt en voulant protéger son fils. Ce dernier survit mais à 21 ans, il boîte toujours et sera handicapé à vie.
Tsitsino porte toujours le deuil de cette disparition dans une guerre qui, comme souvent, a principalement tué des civils.
"Les Russes ont largué trois bombes près de notre immeuble. Quinze personnes ont été tuées. Il y avait des morceaux de corps partout dans la cour", se souvient la vieille dame.
"Les années ont passé mais j'attends toujours qu'ils soient jugés", dit-elle.
Sa voisine, Zoïa Mouradova, a perdu sa jambe lors du bombardement et est alitée depuis sept ans.
"Une femme enceinte est morte devant moi. Notre immeuble était en flammes", se souvient cette Géorgienne de 60 ans. "Ma vie s'est arrêtée ce jour-là. Je vais rester alitée jusqu'à la fin de mes jours", ajoute-t-elle, avant d'éclater en sanglots.
Le 27 janvier, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l'ouverture d'une enquête sur la guerre éclair ayant opposé la Géorgie à la Russie, une initiative saluée par Tbilissi comme "juste".
"Maintenant, il y a un petit espoir que ceux qui ont tué des civils innocents soient condamnés", espère Mme Vazagachvili. Sa voisine renchérit: "Aujourd'hui, j'ai foi dans l'emprisonnement des responsables" du bombardement.
- 'Crimes de guerre' -
A Tserovani, une petite ville construite ex-nihilo pour accueillir des milliers de réfugiés ayant quitté l'Ossétie du Sud, territoire séparatiste dont l'indépendance a été reconnue par la Russie, beaucoup saluent également l'ouverture de l'enquête par le CPI.
"Espérons que tous ceux qui ont orchestré le nettoyage ethnique seront mis en prison par le tribunal international", s'exclame Mariam Javakhichvili, 19 ans, qui travaille dans une épicerie.
D'autres sont sceptiques, à l'exemple de Robinzon Tskhomélidzé.
"Ce qui s'est passé en Ossétie du Sud relevait d'un nettoyage ethnique organisé par les hautes autorités. Je doute qu'elles soient un jour poursuivies par la justice", regrette cet homme de 76 ans.
"Est-ce que vous imaginez, sur le banc des accusés, le président d'une puissance nucléaire?", ajoute-t-il en référence à Vladimir Poutine.
Ana Natsvlichvili, à la tête de l'Association des jeunes avocats, spécialisée dans la défense des droits de l'Homme, refuse, elle, de perdre espoir en la justice internationale.
"Il y a suffisamment de preuves que des crimes de guerre ont eu lieu", affirme-t-elle. "Personne n'est à l'abri de poursuites judiciaires, que vous soyez à la tête d'un État ou d'un gouvernement", veut-elle croire.
L'enquête de la CPI, dont l'ouverture intervient alors que les tensions entre les Occidentaux et Moscou sont au plus haut, est la première concernant un conflit impliquant la Russie.
La guerre d'Ossétie du Sud a commencé dans la nuit du 7 au 8 août 2008 lorsque le président géorgien d'alors, Mikheïl Saakachvili, a lancé une offensive pour reprendre ce petit territoire indépendant de facto depuis un conflit datant du début des années 90.
La Russie avait alors engagé une opération militaire d'envergure, envahissant une partie de la Géorgie et occupant entre autres la ville de Gori. Cette guerre éclair avait pris fin le 12 août.
La procureure du CPI, Fatou Bensouda, a été autorisée à enquêter par les juges, qui estiment qu'il existe des raisons suffisantes de croire que des crimes incluant des meurtres, persécutions, déplacements forcés de population et pillages, ont été commis entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.
Le conflit a fait plusieurs centaines de morts et plus de 120.000 déplacés, selon un bilan d'août 2008 du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
Le bureau du procureur juge que la population d'origine géorgienne en Ossétie du Sud "a été réduite d'au moins 75%".