Robert Badinter estime dans une tribune publiée vendredi que la déchéance de nationalité voulue par l'exécutif pourrait passer par une modification du code civil, sans aller jusqu'à la révision constitutionnelle, et juge la "querelle" autour de ce sujet "secondaire".
"Il n'est point besoin de recourir à une révision constitutionnelle", écrit l'ancien Garde des Sceaux dans Le Monde, expliquant qu'il suffirait de modifier l'article 25 du code civil.
Cet article dispose que "L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride."
Pour M. Badinter, il faudrait écrire non pas "L'individu qui a acquis la qualité de Français", mais "Tout Français", ce qui étendrait le dispositif aux personnes disposant de deux nationalités dès leur naissance.
Pour le reste, l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand, considéré comme une autorité morale en France pour son rôle dans l'abolition de la peine de mort, ne s'oppose pas au principe de la déchéance de nationalité.
L'ancien avocat rappelle en particulier que ce principe de déchéance de nationalité a été inscrit "sans discontinuer" dans le droit français depuis la Révolution française.
M. Badinter estime que les attentats de 2015 "par la barbarie qui anime leurs auteurs, s'inscrivent, à l'égal des crimes contre l'humanité, au sommet de l'échelle des peines."
"Au regard de leur gravité et des souffrances des survivants et des familles, la querelle sur le point de savoir si leurs auteurs doivent échapper ou non à la déchéance de la nationalité française, selon qu'ils sont seulement français ou binationaux, apparaît comme secondaire", juge M. Badinter.
Il souligne enfin que la mesure a une valeur "plus symbolique qu'effective", car elle ne concernerait que des personnes condamnées de toute façon à de très lourdes peines, et qui "n'auront pour foyer que les centrales de haute sécurité".
M. Badinter avertit toutefois que "pour laisser à cette déchéance toute sa portée morale, il conviendrait qu'elle soit réservée aux seuls crimes de terrorisme" et non pas "banalisée par son extension à de nombreux délits".