Le général Jean-Claude Lafourcade a été entendu en janvier comme témoin assisté par un juge sur le rôle et l'attitude de la force française Turquoise lors du génocide de 1994 au Rwanda, a appris dimanche l'AFP de sources proches du dossier.
Il a notamment été questionné sur le massacre de Bisesero, fin juin 1994, quelques jours après le déploiement de cette opération qui avait pour mission, confiée par l'ONU, de faire cesser les tueries, y compris en usant de la force.
Des rescapés du génocide et des associations ont porté plainte, ce qui a déclenché une enquête en France: ils reprochent aux militaires français d'avoir laissé en toute connaissance de cause, trois jours durant, des centaines de Tutsi à la merci des génocidaires hutu dans les collines de Bisesero, dans l'ouest du Rwanda.
Le général Lafourcade, qui commandait Turquoise, a de nouveau réfuté ces accusations devant le juge qui l'a longuement entendu les 12 et 14 janvier, selon les sources.
Le génocide a fait 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi.
Le général Lafourcade s'est par ailleurs inscrit "complètement en faux" contre les allégations selon lesquelles des armes auraient pu être fournies par des soldats français aux Hutu.
Interrogé par l'AFP, son avocat Pierre-Olivier Lambert a expliqué que le général "était très satisfait d'avoir pu enfin apporter son témoignage auprès de la justice française, ainsi qu'il le demandait depuis de nombreuses années".
Turquoise "a permis de protéger et de sauver en stricte impartialité des centaines de milliers de personnes tutsi et hutu", a ajouté l'avocat selon qui son client "réaffirme sa fierté de la mission accomplie au Rwanda, alors que la France s'est trouvée seule à s'engager pour mettre fin au génocide".
Le général "apporte son entier soutien aux militaires français injustement mis en cause", a conclu Me Lambert.
Lors de son audition, le commandant de Turquoise a également critiqué l'attitude de l'actuel président Paul Kagame, alors chef des rebelles tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) qui a pris le pouvoir en mettant fin au génocide et a toujours dénoncé le rôle de la France en 1994.
Après la prise de Kigali par le FPR début juillet 1994, la rébellion tutsi poursuit son avancée vers Goma, dans l'est du Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), provoquant un exode de réfugiés: "J'ai moi-même envoyé un message au général Kagame lui disant aussi d'arrêter sa progression puisqu'il avait gagné la guerre", a affirmé au juge le général Lafourcade. "Il m'a répondu à l'époque qu'il continuerait, les Hutu étant coupables. Ceci a provoqué le drame humanitaire de Goma", selon lui.