Les enquêteurs de l'ONU sur la Syrie ont accusé lundi le régime de Damas d'"extermination" de détenus, affirmant que les morts massives de prisonniers étaient le résultat d'une "politique d'Etat".
La commission d'enquête souligne dans son dernier rapport que des milliers de personnes détenues par les différentes parties en conflit ont perdu la vie depuis le début des violences il y a quatre ans et demi.
Elle détaille notamment dans son rapport les sévices infligés à ses prisonniers par le groupe Etat islamique, y compris le recours à la torture et aux exécutions sommaires, accusant l'EI de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Le rapport décrit une situation particulièrement dramatique dans les prisons et centres de détention tenus par le régime de Bachar al-Assad.
"Le caractère massif des morts de détenus suggère que le gouvernement syrien est responsable d'actes qui relèvent de l'extermination et sont assimilables à un crime contre l'humanité", a déclaré le chef de la commission Paulo Pinheiro devant la presse à Genève.
"Des détenus (...) ont été battus à mort ou sont décédés des suites de leurs blessures ou d'actes de torture", écrivent ainsi dans le rapport les experts mandatés par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
"Il est évident que les autorités gouvernementales (...) étaient au courant que les morts se produisaient sur une échelle massive", soutiennent-ils, indiquant que des dizaines de milliers de personnes, dont des femmes et enfants, croupissent dans les prisons gouvernementales syriennes.
Ces morts sont la conséquence voulue des terribles conditions de vie dans les centres de détention, et le résultat d'"une politique d'Etat ayant pour but de s'en prendre à la population civile", affirment les enquêteurs.
Les quatre membres de la commission d'enquête n'ont jamais eu le feu vert de Damas pour entrer en Syrie mais ils ont recueilli des milliers de témoignages de victimes, de documents et de photos satellites.
En 2014, un ancien photographe de la police militaire syrienne, exfiltré sous le pseudonyme de "César", avait révélé des milliers de photographies de corps suppliciés et torturés dans les prisons du régime entre 2011 et 2013.
Pour leur rapport, qui analyse les conditions de détention en Syrie depuis le début du conflit en 2011, les experts de l'ONU ont de leur côté interviewé 621 personnes, dont 200 anciens détenus qui avaient été témoins de la mort d'un ou de plusieurs personnes.
Battus à mort
Ceux-ci ont raconté comment leurs camarades de cellule étaient battus à mort ou torturés pendant des interrogatoires, et laissés sans soins, mourants.
Un témoin a décrit comment un vieil homme détenu dans un centre militaire à Homs avait été durement battu puis pendu par les poignets.
"Les gardiens lui ont brûlé les yeux avec une cigarette et ont transpercé son corps avec un objet tranchant chauffé", indique le rapport, ajoutant qu'"après être resté pendu dans la même position durant 3 heures, l'homme était mort".
D'autres sont morts faute de soins et en raison de "conditions de vie inhumaines", notamment dans des cellules surpeuplées et dépourvues d'hygiène, de nourriture et d'eau potable, de nombreux prisonniers étant forcés de boire l'eau des latrines pour soulager leur soif, selon le rapport.
"Un grand nombre de prisonniers sont morts de diarrhée", indiquent les experts, ajoutant que "les victimes ont souvent souffert durant des mois avant que la mort ne survienne".
Si la majorité des victimes étaient des hommes, nombre de femmes et d'enfants ont également péri durant leur détention, indique le rapport.
"Les décès en détention continuent de se produire dans un secret quasi complet", continue la commission d'enquête.
Mais outre le régime syrien, les divers groupes armés ont eux aussi soumis leurs ennemis aux conditions de détention "les plus brutales", expliquent les experts de l'ONU.
Outre l'EI, le rapport accuse notamment la branche syrienne d'Al-Qaïda Jabhat al-Nusra d'avoir procédé à des "exécutions en masse" de soldats du gouvernement faits prisonniers.
Le conflit en Syrie, déclenché par la répression brutale par le régime de Bachar al-Assad de manifestations pacifiques dégénérant en conflit armé, a fait plus 260.000 morts. Plus de la moitié de la population est déracinée.