Guinée: l'opposition embarrassée pour contester la réélection du président Condé

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Déterminée à contester la réélection dès le premier tour du président Alpha Condé, l'opposition en Guinée se retrouve face à une double impasse: soit mobiliser la rue, et risquer les foudres de la communauté internationale, soit emprunter la voie judiciaire, qu'elle estime vouée à l'échec.

Le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo a annoncé samedi renoncer à saisir la Cour constitutionnelle, mais promis d'appeler "le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques".

"En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d'éviter toute forme de violence", a précisé M. Diallo, arrivé en deuxième position avec 31,44 % des suffrages, derrière M. Condé à 57,85 %, selon les résultats proclamés par la Commission électorale, qui doivent encore être validés par la Cour constitutionnelle.

Le porte-parole du candidat Alpha Condé, Albert Damantang Camara, a jugé "incompréhensible que, de but en blanc, sans avoir même essayé un quelconque recours que ce soit, on déclare vouloir manifester dans la rue pour revendiquer ses droits".

"Il y a une Cour constitutionnelle, celle-là même qui vient d'être mise en place, qui n'a pratiquement jamais fonctionné", a-t-il souligné. "Jamais la Cour constitutionnelle n'a été saisie d'un contentieux électoral, on ne comprend pas qu'on puisse douter a priori de sa compétence ou de son impartialité, c'est assez étrange".

Mais la décision du chef de l'opposition, contrairement à d'autres candidats malheureux qui ont annoncé vouloir se tourner vers la Cour constitutionnelle, comme les y pousse la communauté internationale, ne surprend guère les observateurs.

"Il est très difficile de prouver les défaillances techniques et surtout les fraudes, et plus encore de prouver qu'elles affectent de façon significative les résultats du vote", explique Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée à l'International Crisis Group (ICG), rappelant que "par le passé, les recours judiciaires en matière électorale n'ont rien changé".

- Avertissement de la CPI -

Le chef de l'opposition assume d'ailleurs sa suspicion envers la Cour constitutionnelle, reprochant au président Condé d'en avoir à dessein modifié la composition et "augmenté le nombre de fonctionnaires désignés par l'Etat en réduisant le nombre de personnalités désignées par la société civile".

"On connaît la qualité des hommes qui ont été choisis, c'est leur amitié et leur proximité avec le RPG", le parti présidentiel, a déclaré M. Diallo à l'AFP.

Il s'est en revanche étonné des pressions exercées par les organisations internationales et régionales, au nom de la stabilité, pour ne pas aller trop loin dans la contestation des résultats.

Cellou Dalein Diallo a confié en avoir retiré l'impression d'un "consensus au niveau de la communauté internationale pour laisser Alpha faire son deuxième mandat", malgré la myriade de problèmes observés le jour du vote, le 11 octobre, et les décisions parfois "illégales" de la commission électorale.

"Le fait que Condé candidate pour un deuxième mandat, là où d'autres présidents africains tentent d'aller à leur troisième, quatrième ou cinquième, fait partie des choses qui font que les internationaux ne peuvent pas et ne veulent pas trop mettre la pression sur lui, malgré les problèmes très significatifs qu'ont connus les élections", relève Vincent Foucher.

"Mais il y a d'autres facteurs: Condé vient après un régime militaire catastrophique, il collabore bien au niveau international, il y a des enjeux économiques", précise l'analyste de l'ICG.

"Les acteurs internationaux, qui veulent la stabilité par-dessus tout, ont laissé entendre qu'ils tiendraient l'opposition pour responsable de dérapages éventuels. On a même un avertissement de la CPI (Cour pénale internationale)", souligne-t-il.

La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a lancé le 14 octobre un "appel au calme et à la retenue à l'attention de tous les acteurs politiques et de leurs partisans" en Guinée, agitant la menace de poursuites.

Selon Vincent Foucher, "Cellou Dalein Diallo est un peu face à la quadrature du cercle. Il veut marquer son mécontentement, il doit essayer d'avoir un maximum d'opposants avec lui pour ne pas donner l'impression d'être enfermé dans le communautarisme, il ne veut pas s'aliéner trop la communauté internationale, il doit gérer la montée des critiques au sein même de son parti".