La justice transitionnelle n’est pas faite seulement de grands procès, de commissions Justice et Vérité ou de processus de réconciliation établis. Ainsi, cette semaine Justiceinfo.net s’est intéressé aux disparus des guerres libanaises. Oubliés de l’histoire et oubliés par un Etat défaillant. Il y aurait 17 415 personnes disparues au Liban, mais ce nombre n’a jamais été recoupé ni vérifié et les familles attendent toujours la vérité sur leurs proches. Face au silence et à l’indifférence officiels, une ONG libanaise Act for the Disappeared (Agissez pour les disparus), a pris le relais et créé une base de données des personnes disparues, interactive et consultable, appelée « Fushat Amal » (Espace d’espoir). Lynn Malouf, chargée de cours à l’université Saint-Joseph et membre d’Act for the Disappeared écrit dans Justiceinfo.net: “Le fait que depuis le lancement de « Fushat Amal », un grand nombre de bénévoles proposent leurs services à Act for the Disappeared pour mener des interviews, en signe de solidarité avec les familles est un exemple parlant. « Cela nous réconforte de savoir que d’autres personnes pensent à nous, qu’elles travaillent avec nous et nous soutiennent. Aujourd’hui, au bout de trente ans, il y a enfin des gens à qui nous pouvons nous adresser pour faire part de nos préoccupations », dit la mère de Khaled Hajj Ali – disparu en 1985 –.”
Autre pays oublié, le Burundi alors que la violence et la répression se poursuivent dans l’indifférence générale. Les tensions au Burundi ont provoqué une crise aigue entre Kigali et Bujumbura qui accuse le Rwanda d’ingérence. Mais, Kigali a toujours rejeté ces accusations, affirmant que les Burundais devaient résoudre leurs problèmes internes au lieu de chercher à tout prix un bouc émissaire de l'autre côté de la rivière Akanyaru qui sépare les deux pays. «Toute tentative extérieure d'activer le feu au Burundi, de quelque manière que ce soit, doit être dénoncée. Mais l'origine de la crise actuelle se trouve au Burundi et c'est de la même que doit venir la solution. Le problème n'est donc ni le Rwanda, ni la Belgique, ni Paul Kagame, ni Louis Michel (NDLR un homme politique belge) », résume un diplomate africain en poste à Kigali cité par Justiceinfo.net.
Toujours en Afrique, le procès Gbagbo à la Cour Pénale Internationale et les suites de la procédure contre le vice-président kenyan William Ruto au même tribunal ont réveillé la campagne contre la CPI sur le continent. “Depuis le 31 janvier, le Kenya et d’autres pays africains plaident pour que les 34 pays du continent qui ont adhéré la CPI se retirent en bloc de la Cour, jugeant que cette justice internationale est discriminatoire, car ne s’en prenant qu’aux seuls Africains. Les promoteurs de la CPI dénoncent dans cette manœuvre le désir de certains autocrates de s’arroger un permis de tuer, en dissimulant leurs sombres desseins au nom de la lutte anticolonialiste.”, écrit Pierre Hazan, conseiller éditorial de Justiceinfo.net, ajoutant, “la Cour pénale internationale n’a jamais affronté pareille crise diplomatique, qui risque de la mener à sa perte.”
Mais, conclue-t-il, “Par sa seule existence, elle a montré que lorsque les sociétés civiles se mobilisent, l’impunité n’est pas une fatalité, même si la route est encore longue pour n’être plus seulement une justice de vainqueurs.”
Sinon, la justice transitionnelle a poursuivi son chemin bon an, mal an. Des militaires pro Gbagbo ont été condamnés à de lourdes peines en Côte d’Ivoire pour avoir participé au meurtre du général Robert Guéï, ex-chef de la junte mais les présumés coupables du camp du Président Ouattara accusés de crimes de guerre ne sont toujours pas poursuivis. Au Cambodge, un ancien leader khmer rouge dans un procès en appel a expliqué s’être battu pour “la justice sociale”. La Croatie a arrêté un ancien responsable d’une prison, accusé de crimes de guerre sur des civils serbes. En France, une amende a été requise contre l'ancien leader du Front Nationale Jean-Marie Le Pen pour ses propos sur les Roms, Alain Soral un écrivain d’extrême droite a été condamné pour avoir fait une quenelle au mémorial de la Shoah à Berlin et une juge française a convoqué un général américain ancien commandante de Guantanamo pour détention arbitraire et torture. Sans espoir mais preuve que l'impunité a ses limites.