Le calendrier initial du procès de l'ex-président tchadien Hissène Habré devant un tribunal spécial africain à Dakar, prévoyant les dernières plaidoiries fin octobre, "ne sera pas respecté", a dit mardi à l'AFP une source au sein de cette juridiction, sans pouvoir annoncer un nouveau délai.
M. Habré, accusé de "crimes de guerre, crimes contre l'humanité et tortures" durant sa présidence au Tchad (1988-1990), comparaît depuis le 20 juillet devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA) qu'il ne reconnaît pas. Il refuse de s'exprimer et de se défendre devant cette juridiction.
Les audiences, qui avaient été suspendues le 21 juillet pour permettre à des avocats commis d'office pour la défense de prendre connaissance du dossier, ont repris le 7 septembre. D'après le calendrier prévisionnel des CAE, elles devaient prendre fin le 28 octobre avec une "déclaration de l'accusé" puis une "décision" du tribunal.
"Ce calendrier ne sera pas respecté, ce n'est plus possible, mais on ne peut pas, à la date d'aujourd'hui (mardi), donner un nouveau délai", a affirmé la source jointe mardi soir au tribunal ayant requis l'anonymat.
"Personne ne peut le dire aujourd'hui, parce qu'il faut qu'on termine d'abord les auditions" de témoins et experts, toujours en cours, a-t-elle précisé.
D'après le même calendrier prévisionnel, plus de 90 victimes et témoins ainsi qu'une dizaine de "témoins experts" devaient être entendus par la cour à Dakar, et 24 "victimes suppléantes" par visioconférence depuis N'Djamena jusqu'au 16 octobre. Les plaidoiries des parties civiles, le réquisitoire du parquet et les plaidoiries de la défense devaient ensuite se tenir du 19 au 27 octobre, avant la déclaration de l'accusé le lendemain.
Ces délais ont été communiqués "à titre indicatif. On ne maîtrise pas le temps judiciaire", tributaire d'"impondérables", a affirmé la même source au tribunal spécial.
Selon elle, au rythme actuel, les dernières plaidoiries pourraient avoir lieu "probablement dans la troisième semaine de novembre".
"Ensuite, la Chambre (le tribunal) doit se retirer pour délibérer" pour une période d'environ trois mois, a-t-elle estimé, "parce que c'est un dossier volumineux: 24.000 pages à compulser", ce qui ferait un verdict "probablement en février. Et après le verdict, il y a la période d'appel qui s'ouvre, les parties - parties civiles, Parquet comme défense - ont deux mois pour faire appel".
Renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno, Hissène Habré a trouvé refuge au Sénégal en décembre 1990. Il a été arrêté le 30 juin 2013 à Dakar puis inculpé le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial et écroué.
Il encourt entre 30 ans de prison ferme et les travaux forcés à perpétuité. Une commission d'enquête tchadienne a estimé que la répression durant sa présidence a fait 40.000 morts, au moyen de la police politique de son régime, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS).
Lundi, l'ancien juge espagnol Baltasar Garzon, qui avait obtenu, en octobre 1998, l'arrestation à Londres de l'ex-président chilien (1973-1990) Augusto Pinochet - décédé en 2006 sans jamais avoir été condamné - a fait une visite remarquée au procès avant de s'exprimer devant la presse en compagnie de responsables d'organisations de défense des droits de l'Homme dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International.
M. Garzon a salué l'existence du tribunal spécial qui, a-t-il dit, "est un modèle qui peut parfaitement venir compléter la justice régionale dans les cas où la CPI (Cour pénale internationale) n'intervient pas, ou dans les cas où la justice régionale serait plus effective qu'à un niveau international comme la CPI".
Les victimes réclament "l'application de la loi", pas la "vengeance", et "un jugement juste" et équitable pour l'accusé "serait la meilleure récompense pour un juge, un juriste ou un militant des droits de l'Homme qui se bat depuis 18 ans pour le principe de juridiction universelle", a-t-il affirmé.
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